Dans exactement 46 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Cinquième épisode avec « Pour solde de tous comptes ».

PÉKIN 2008 – HOMMES

Pour solde de tous comptes

Son destin, d’abord courbé sous les frustrations, s’est redressé l’espace de cette demi-heure enivrante, ineffaçable. 22 août 2008 à Pékin. Peu après dix-huit heures. Cédric Burdet démarre la demi-finale face aux Croates. À l’instant de regagner le vestiaire, il a déjà inscrit cinq buts à 100% de réussite, distillé deux passes décisives et donné la migraine à Ivano Balic et à ses potes.

Comme un clin d’œil des astres. Cédric Burdet aurait pu ne jamais se retrouver sur cette scène. Claude Onesta ne l’avait pas convié à l’Euro en Norvège l’hiver d’avant. Les deux hommes ne se sont jamais vraiment compris et le technicien ne lui prêtait guère d’attention à l’aube de ces JO. Mais il était bien là, au moins pour jouer les utilités, le poste d’arrière droit revenant à Jérôme Fernandez. Fernandez s’est blessé lors du troisième match. Burdet a pris sa chance.

Le gaucher de Belley a 33 ans et déjà 220 sélections lorsqu’il démarre le tournoi. Il s’est préparé comme jamais pour prétendre à ces troisièmes Jeux. Son dos le handicape bien un peu, mais il retrouve ses sensations au fil des matches et des entraînements. « Je me sentais vraiment bien en deuxième semaine, se souvient-il. Ça a souvent été comme ça avec moi. Soit je commençais fort et je souffrais physiquement sur la fin, soit j’étais diminué au début et je terminais fort. »

Avant Pékin, Cédric Burdet a remporté deux médailles de bronze mondiales, mais loupé les deux rendez-vous majuscules de 2001 et 2006. Lors du Mondial en France, il souffre d’une luxation d’un orteil contractée à Sydney, et d’une entorse de la cheville. Il choisit l’opération. « Pour préserver la fin de ma carrière, justifie-t-il. C’était la solution la plus sage, mais on a pensé que j’avais refusé l’opportunité de disputer la compétition. » À l’Euro en Suisse, le débat est tout simplement proscrit. « J’ai été opéré d’un doigt quelques semaines auparavant, raconte-t-il, et j’ai même failli mourir quand un staphylocoque a généré une infection dans le sang. »

Cette mi-temps au National Stadium Indoor, alors, efface tout. Les privations. Les amertumes. Les équivoques. « La veille, sourit Burdet, au réfectoire, alors que je déjeunais avec Fernand (Jérôme Fernandez), Venio Losert est venu le voir pour lui dire que ce serait plus facile pour la Croatie sans personne sur le côté droit. Ça a fini de me faire monter en pression… »

Cinq buts, donc, dont celui du premier avantage à 11-10. Jamais il n’a autant pesé sur un débat aussi solennel. Mirko Alilovic est décontenancé. En défense, les Croates sont surtout focalisés sur les droitiers, sur Daniel Narcisse et Nikola Karabatic. De l’autre côté, Burdet plane. Redouble d’allant. C’est le match le plus important de sa vie. Il le sait. Il le sent. « En deuxième, raconte-t-il, je suis un peu cuit, moins percutant, alors je fais plus jouer, et j’ai le souvenir que ça les a bien désorganisés. »

25-23 au final. Six buts, trois passes et un contre pour le résistant. Quatre nouveaux buts, trois passes et un contre participent à la victoire face à l’Islande. Fin de l’histoire. Cédric Burdet est champion olympique. De l’humilité et de la persévérance.