Au côté d’Amandine Leynaud, Alexandra Lacrabère a fait son entrée dans le Hall of Fame en ce mois de novembre. Avec 256 sélections (833 buts) entre 2006 et 2021, la Béarnaise, qui a mis un terme à sa carrière en mai dernier, a marqué l’histoire de l’équipe de France, et notamment remporté les titres mondial (2017), européen (2018) et olympique (2021).

Que représente pour toi le fait d’intégrer le Hall of Fame ?

C’est d’abord et avant tout une fierté, parce que ça symbolise la longévité comme la richesse d’une carrière. Je ne pensais pas que les filles auraient ce même privilège que les garçons, et je suis ravie de pouvoir laisser cette marque.

Jackson Richardson, Daniel Costantini, Claude Onesta, Thierry Omeyer, Daniel Narcisse, Luc Abalo, Michaël Guigou, la liste est prestigieuse…

Elle est phénoménale, oui. Quand j’ai commencé à jouer, certains de ces noms me faisaient rêver. J’adorais voir évoluer Jackson. Il faisait des trucs incroyables, il attirait tous les regards. Je mesure mal la chance que j’ai de me retrouver dans cette liste. Il y aura bien sûr bientôt Nikola. On m’a toujours dit que j’avais les mêmes formes de jeu que lui, que j’étais une Karabatic au féminin.

Que retiens-tu, au-delà des résultats, de tes quinze années passées en équipe de France ?

Je ne retiens que du plaisir. Franchement, beaucoup de plaisir. Lorsque j’ai commencé, je n’aurais jamais imaginé rester aussi longtemps dans ce groupe et vivre autant d’émotions. Il y a également la fierté d’avoir gagné autant de titres, d’avoir participé à ce succès à domicile en 2018, qui a forcément une saveur particulière. L’Euro, nous ne l’avions jamais gagné, c’est une compétition plus dure et exigeante qu’un Mondial.

Mais d’un point de vue plus personnel ?

Pendant toutes ces années, j’ai progressé en tant que joueuse, mais grandi et mûri en temps que femme aussi. Je me suis sans doute assagie, j’ai beaucoup voyagé, je me suis bien adaptée aux différents environnements, et tout ça m’a ouvert les yeux sur la vie, m’a aidé à bien prendre conscience de la chance que j’avais de vivre cette vie.  En France, on râle beaucoup, mais on est bien mieux loti qu’on ne l’imagine. Et puis, il y a aussi toutes ces rencontres.

Dont celle avec Stéphanie Cano, dès tes premiers pas en Bleu…

J’ai commencé avec Steph, à Bègles. Elle m’a montré le chemin de l’exigence. Éric Baradat me l’avait enseigné au préalable, mais elle m’a conforté dans cette idée qu’il fallait être pointilleux, engagé, investi. Elle voulait toujours gagner et elle mettait tout en œuvre pour y parvenir. Elle avait son caractère aussi, elle voulait toujours que tout soit parfait.

On a souvent dit de toi que tu avais aussi ton caractère. Mais comment le définirais-tu ce caractère ? Gros ? Fort ? Mauvais ?

Longtemps, j’ai dit qu’il était mauvais mais non, en fait, je pense qu’il est juste très fort. Je n’aime pas l’a-peu-près, l’idée de répéter dix mille fois la même chose pour faire passer une idée simple. Je n’aime pas que l’on reproduise cent fois les mêmes erreurs. J’aime la perfection. Sans ça, tu ne peux pas faire une aussi longue carrière. Je suis certaine que ce caractère m’a aidé à faire ma place dans ce milieu. Je n’ai jamais pris de pincettes pour dire les choses, mais je ne pense pas que ça m’a joué de trop vilains tours. Bon, peut-être que mon intonation n’était pas toujours adaptée…

Tu as dit, à la fin de ta carrière, que tu commençais à ne plus être en adéquation avec le système. Que voulais-tu dire par là ?

Je voulais insister, et c’est juste mon avis, sur le fait que tu n’as plus aujourd’hui les mêmes difficultés pour arriver à haut niveau qu’avant. Les choses sont données plus facilement et plus rapidement que lorsque j’étais jeune.

Faire de ton plaisir ton métier, c’était le chemin au début. Ça ne l’était plus à la fin ?

Non, je ne prenais plus de plaisir. Quand tu perds et que ça rigole dans le vestiaire, quand tu arrives à l’entraînement le lendemain d’une défaite et que personne n’y revient dessus, ça ne me correspond pas trop. Je n’étais pas là pour jouer, mais pour gagner, pour prendre du plaisir en travaillant, pour sans cesse m’améliorer. 

Six mois après l’annonce de la fin de ta carrière, qu’est-ce qui te manque au quotidien, en club comme en sélection ?

Le handball me manque. Les émotions qu’il peut provoquer. Le vestiaire avec les coéquipières me manque. Même la préparation physique ! Franchement, il y a des matches que je regarde et que j’ai envie de jouer.

Est-ce que ça veut dire que tu serais prête à reprendre ?

Je ne sais pas. Je ne dis pas non, je ne dis pas oui non plus. 

Que deviens-tu aujourd’hui ?

Je prépare un BTS de diététique. J’enchaînerai avec un Master en nutrition du sport pour pouvoir intervenir ensuite auprès des sportifs dans le but de la recherche de la performance. On ne s’en rend pas toujours compte, mais l’on joue tous les trois jours, on enchaîne parfois par un mois de compétition avec l’équipe de France, et la nutrition est un élément fondamental de la performance. On m’a toujours dit, au long de ma carrière, que j’avais un problème de poids, et que j’avais intérêt à le gérer. Mais on ne m’a jamais dit comment faire. Puisque les jeunes arrivent de plus en plus tôt à haut niveau, il faut pouvoir les éduquer.

As-tu regardé les deux rencontres de l’équipe de France face au Sénégal et la Corée du Sud ?

J’ai regardé le match contre le Sénégal en direct, mais j’ai enregistré celui contre la Corée, parce que je n’étais pas disponible dimanche.

Ces rassemblements n’éveillent-ils pas un peu de nostalgie ?

Ils réveillent quelques sentiments, mais je ne sais pas si l’on peut parler de nostalgie. Ils rappellent quelques bons moments, celui des retrouvailles au moment du stage, le voyage, l’arrivée à l’hôtel dans le froid de Norvège, l’installation, le dernier entraînement la veille du premier match. J’aimais tout ça. Et j’aimais quand la compétition commençait enfin.

Es-tu toujours en contact avec certaines des joueuses de l’équipe de France ?

Des joueuses actuelles ? Pas directement, non. Il reste Estelle (Nze Minko), Grâce (Zaadi Deuna), Laura (Glauser), Coco (Coralie Lassource), mais on n’échange pas directement. Un peu plus avec celles qui se sont retirées comme Sira (Siraba Dembele Pavlovic).

Suivras-tu le Mondial en Scandinavie ?

Sans doute. Enfin, oui, je regarderai les matches, mais je n’ai pas encore pris le temps de voir comment ils tomberont dans mon emploi du temps.

Et les Jeux olympiques ?

C’est à peu près la même chose. Enfin, non, c’est quand même les Jeux. Quoique… C’est vraiment dommage de ne pas passer la quinzaine au village olympique. A Lille, les conditions ressembleront plus à celles que l’on retrouve lors d’un Mondial ou un Euro. Mais je suivrai le parcours des filles, oui.