Alors que l’équipe de France féminin en a fini avec le tour principal du Championnat du monde IHF 2023, avec un ticket pour les quarts de finale à la clé, quelques chiffres sautent aux yeux. La défense, autrefois clé de voute de l’édifice bleue, semble moins efficace qu’avant. Mais l’attaque, quant à elle, performe plus que pendant toutes les compétitions mondiales précédentes. Olivier Krumbholz apporte son éclairage aux stats et aux datas…

C’est une des choses qui attirent l’oeil quand on regarde les résultats de l’équipe de France depuis le début du championnat du monde IHF 2023, et même au delà. Ces Bleues encaissent plus de buts que lors des compétitions précédentes, mais elles en inscrivent également plus. Beaucoup plus, même quand on décortique les statistiques des précédents championnats du monde. En 2017, lors du titre en Allemagne, les joueuses tricolores avaient inscrit en moyenne 26 buts par match en en concédant 21. Des chiffres similaires ressortent du fiasco de 2019 au Japon et de l’épopée argentée espagnole de 2021. En revanche, depuis leur arrivée en Norvège, les joueuses françaises ont inscrit 31,5 buts en moyenne alors que les équipes adverses leur en ont passé 25.

« Les stats, on y fait attention, mais on n’est pas des accros des datas, prévient d’emblée Olivier Krumbholz. Par contre, une chose est sûre, plus on joue vite, plus on augmente le nombre de possessions. Quand on voit qu’on met beaucoup de buts rapides, ça donne des attaques courtes et sur un match qui dure soixante minutes, il y a plus de possessions. » La logique mathématique est implacable. En marquant près de la moitié de ses buts sur jeu rapide et jeu de transition depuis le début de la préparation au Mondial, l’équipe de France voit le nombre de possessions de balle adverses augmenter, et donc la probabilité d’encaisser des buts.

Une impression à nuancer, néanmoins, car la rencontre face à la Norvège a vu la France retrouver des standards plus habituels pour elle. Avec 24 buts marqués pour 23 encaissés, on a presque eu l’impression d’un match « à l’ancienne », ce que confirmait d’ailleurs Laura Glauser : « On a retrouvé ce qui fait notre ADN : une grosse défense, capable de faire déjouer l’adversaire. J’avais l’impression qu’on prenait beaucoup de buts depuis le début de la compétition, face à la Norvège, on est revenu à ce qu’on sait faire de mieux : ne pas prendre de buts. »

Au niveau mondial, l’accélération du rythme du jeu est une volonté des instances depuis quelques années, avec l’adaptation des règles d’arbitrage notamment et la possibilité de jouer encore plus d’engagements rapides. Mais même avant cela, le staff de l’équipe de France avait ciblé le jeu rapide comme axe d’amélioration. La mue bleue remonte à une quinzaine d’années. « Dans les années 2010, on s’est demandé avec Eric Baradat pourquoi la Norvège nous battait toujours en faisant la différence dans les vingt dernières minutes, se souvient le sélectionneur des Bleues. Et on a vu que ce n’était pas sur le jeu placé, mais sur le jeu rapide qu’on subissait la différence. »

Depuis, le staff bleu s’acharne à faire progresser son effectif dans ce secteur de jeu. « Tous les buts qu’on met facilement, ce sont des efforts en moins de faits pour marquer sur attaque placée. Et souvent, dans la tête des adversaires, ça fait mal », décrypte la capitaine Estelle Nze Minko. Un secteur où une équipe a tout intérêt à appuyer, quitte à accepter d’encaisser plus de buts. D’ailleurs, comme le confirme Olivier Krumbholz, « on ne peut pas marquer de contre-attaques si on prend un but à chaque action. Il faut donc une défense forte avec des gardiennes de but performantes pour s’offrir des possibilités de jeu rapide. » Lors du dernier match du tour principal contre la Norvège, les Françaises n’ont certes marqué que deux buts en contre-attaque, une broutille quand on compare à la douzaine marquée contre l’Autriche. Mais avec une défense et une gardienne qui ont fermé la boutique, pas besoin de trouver la solution rapidement pour gagner une rencontre.

Mais s’il faut retenir une information du foisonnement statistique fourni à chaque compétition, c’est que l’écart moyen par match entre l’équipe de France et ses adversaires n’a pas changé. Face à des équipes possédant plus de références au niveau internationale, les Bleues continuent à gagner leurs rencontres avec, en moyenne, entre six et huit buts d’avance. « C’est une nouvelle preuve que même si on multiplie les possessions, on a un ratio de réussite similaire en attaque et en défense« , sourit le sélectionneur, qui ne cache pas que ses choix de sélection se font également sur la capacité des joueuses à entrer dans un projet de jeu bien précis : « À compétences égales, on prendra une joueuse qui est efficace dans le changement de statut et qui peut se projeter rapidement vers l’avant. Si tu défends fort et que tu joues fort sur montée de balle, tu es un profil qui intéresse l’équipe de France. »