les clés d’un succès historique

Dominateurs en défense, les Bleus de Claude Onesta ont ouvert une nouvelle voie au handball français.

Claude Onesta le sert chaque jour à ses joueurs : « Le dire fait rire, le faire fait taire. » Si l’on excepte la troisième place arrachée à la Tunisie, lors du Mondial 2005, « ses » Bleus avaient surtout amusé la galerie jusqu’ici, passant notamment à côté des Jeux olympiques 2004, à Athènes. Un mois après le premier titre européen du handball français, c’est une autre histoire. Personne ne rit plus. Et s’il est encore un peu tôt pour parler d’une hégémonie bleu, blanc, rouge, la jeunesse des cadres de l’équipe est incontestablement le gage de quelques belles campagnes à venir.

Richardson, Anquetil et les autres peuvent désormais dormir tranquilles. La relève est là. Epoustouflante ! Elle a pris le relais des Bronzés, des Barjots et des Costauds dans une compétition où tous avaient échoué.  Symbole de cette génération sans (petit) nom – ça viendra sûrement avec le palmarès : Nikola Karabatic.

Poussif au début de l’Euro à l’instar de tous ses coéquipiers, le meneur de jeu de Kiel, en Allemagne, a fini en trombe avec un incroyable onze sur treize aux tirs face à l’Espagne. Tantôt demi-centre, tantôt arrière gauche, l’ex-Montpelliérain est entré dans l’histoire en éclaboussant la finale de toute sa classe. Et il n’a que 21 ans…

Mais au-delà de la confirmation du talent des uns et l’éclosion de certains autres, Luc Abalo en tête, les clés du succès français en Suisse, après avoir tout de même écarté le vice-champion d’Europe (la Slovénie), le champion d’Europe (l’Allemagne), le champion olympique (la Croatie) et le champion du monde (l’Espagne), sont multiples.

La défense pour commencer. Exception faite du premier duel face aux Ibériques, elle n’a jamais failli. Ce bloc, articulé autour de la poutre maîtresse Didier Dinart, n’est pas seulement infranchissable. Il avance, il épuise, il écoeure. Rutenka, Hens, Balic, Romero : tous les gros bras ont vu leurs espoirs de victoire échouer sur la ligne bleu. Et quand ça ne suffisait plus, il y avait Thierry Omeyer. Le gardien alsacien est la deuxième clé du trousseau tricolore.

Étincelant face à l’Allemagne, injouable contre les Croates (à plus de 50% d’arrêts), le Montpelliérain a fini le boulot en ridiculisant les Espagnols. Avec Barrufet, le dernier rempart du FC Barcelone, il a prouvé durant près de dix jours qu’il était l’un, voire le meilleur gardien du monde. « Quand la défense me permet de toucher le ballon en début de match, s’excuserait-il presque, tout devient plus facile ». Face à la Croatie, l’état de grâce a duré une heure : « C’est drôle, disait-il alors, durant cette rencontre, je voyais tous les coups arriver. » Qu’il ait été élu dans le sept majeur du tournoi est anecdotique. C’est la première fois mais sûrement pas la dernière.

La troisième clé du triomphe helvétique est la conséquence directe de la deuxième. En « marchant » littéralement sur leurs vis-à-vis pour récupérer le ballon, les partenaires d’Olivier Girault, capitaine exemplaire, ont pu multiplier les montées de balle rapides, un principe de jeu développé depuis quelques mois par Claude Onesta. Le résultat a été instantané : des ailiers qui jaillissent, un Didier Dinart qui suit le mouvement et marque, des arrières au soutien et, au final, des buts faciles et des adversaires désorganisés. Les Français ayaient également démontré de réels progrès en attaques placées – Fernandez a été parfait à gauche comme à droite ; Guillaume Gille a confirmé son potentiel à la mène ; Abati a exprimé tout son talent sur la base arrière… – rien ni personne ne pouvait arrêter ces hommes-là.

Le secret de la victoire française réside enfin dans son staff technique. C’est la quatrième et dernière clé. Du médecin (Sébastien Pierre) au préparateur physique (Alain Quintallet), aux kinés (Jean-Christophe Mabire et Patrick Kersten) au manager (Michel Barbot), du vidéoman (Vincent Griveau) à son second (Sylvain Nouet), Claude Onesta a su s’entourer, échanger et tirer la quintessence des uns et des autres pour conclure la quinzaine « sur un vrai bonheur partagé. »

Le Toulousain a surtout magnifiquement managé son groupe en allant, pour la première fois peut-être depuis quatre ans et sa prise de fonction, au bout de ses idées – notamment en défense – quitte à mourir avec en cas d’échec. Claude Onesta a tout simplement fait du Claude Onesta. Ses détracteurs – ils étaient nombreux avant le début de l’Euro – devront patienter pour lui couper la tête. Désormais qualifié pour le Mondial 2007 en Allemagne et l’Euro 2008 en Norvège, le sélectionneur national va pouvoir préparer l’avenir plus sereinement.

Mais, comme il a coutume de le rappeler quand tout va bien : « C’est à ce moment-là, que les emmerdements commencent. » De bien beaux emmerdements en perspective !

Lorsqu’il évoque ses relations avec Claude Onesta, Daniel Costantini ne fait pas de mystère du « mur » qui les sépare. Pour autant, l’ancien sélectionneur double champion du monde reconnaît aujourd’hui le travail accompli par son successeur : « Même si c’est facile à dire désormais, je crois, au fond, qu’on se ressemble. Claude a l’art et la manière de gérer cette équipe. Tous les joueurs semblent vivre bien ensemble. Il n’y a pas de clan comme ça pouvait être le cas à mon époque. Le mérite en revient au staff technique. »
Concernant le succès de l’équipe de France, il avoue « sans démagogie » avoir prédit dès le début du tournoi « qu’il était envisageable ». « Même après le premier match contre l’Espagne, je pensais que ces deux équipes pouvaient se retrouver un peu plus tard. En revanche, poursuit Daniel Costantini, je n’avais pas prévu une telle différence en finale. C’est monstrueux. En tant qu’expert rationaliste j’ai eu du mal à comprendre un tel écart. »
L’ex-entraîneur des Bleus se hasarde toutefois à quelques explications : « Omeyer a été très régulier ; Fernandez est apparu épanoui ; Guigou est sûrement le meilleur ailier gauche du monde ; Didier Dinart était de mieux en mieux au fil des rencontres ; à 35 ans, Abati a prouvé qu’il était meilleur que jamais ; et puis, il y a eu le plus Karabatic. Ce qu’il a fait en finale, même dans ses rêves les plus fous, il ne pouvait pas l’imaginer. Il a été déterminant dans la victoire française. Et comme les seconds couteaux ont répondu également présent… C’était vraiment leur tour. » « Par moment, conclut Daniel Costantini, je me suis pris de sympathie pour les adversaires de la France tant ils souffraient. »

résultats

Tour préliminaire : France – Japon : 33-20 // Algérie – France : 21-23 // France – Roumanie : 22-23 // Danemark – France : 21-22 // France – Allemagne : 22-23
Huitièmes de finale : France – 
Espagne : 23-20
Quarts de finale : France – Suisse : 28-18
Demi-finales : France – Allemagne : 22-20
Finale : France – Croatie : 23-19