À l’instar d’Estelle Nze Minko, Ludovic Fabregas fait partie des trois joueurs qui peuvent prétendre à la distinction de l’IHF, de meilleur joueur du monde 2023. À quelques jours du prochain rassemblement de l’équipe de France, le Catalan évoque cette nomination et revient sur l’Euro victorieux et le plaisir de retrouver ses partenaires. Votez ici pour Ludovic !

Le 23 février dernier, l’IHF a annoncé la liste des prétendants au titre de meilleur joueur du monde 2023. Quand tu as vu ton nom, qu’as-tu ressenti ?

C’est un honneur d’être nominé. Je l’avais déjà été en 2021, c’est donc la 2e fois consécutive parce qu’il me semble qu’en 2022, il n’y avait pas eu d’élection. Je ressens beaucoup de satisfaction parce que j’estime que je travaille beaucoup au quotidien. Même si je n’ai jamais eu la prétention de devenir le meilleur joueur du monde, j’ai toujours voulu être le plus complet possible. Ce n’est pas seulement une reconnaissance à titre personnel, cela concerne aussi le collectif car cela met en valeur les performances de l’équipe de France et des clubs dans lesquels j’ai joué en 2023. C’est aussi un clin d’œil au club de Montpellier où j’ai été formé.

Tu es en concurrence avec l’arrière danois Mathias Gitsel et le gardien allemand Andreas Wolf. Même si Bertrand Gille a été élu meilleur joueur du monde 2002, les pivots sont rarement mis en valeur, non ?

Nous sommes en effet trois joueurs bien différents et il est vrai que les gardiens, et les joueurs qui ont tendance à marquer beaucoup de buts et de manière assez régulière, sont plus mis en avant. Je ne suis peut-être pas celui qui marque le plus mais je pense que j’ai aujourd’hui une grande expérience qui me permet d’apporter des deux côtés et d’apparaître comme un joueur plus complet.

Je pense à la façon de jouer de Bertrand et comment il évoluait sur le terrain et son efficacité au tir. Sa capacité à défendre sur les postes 2 et 3, parfois aussi en poste avancé, sachant aussi qu’il courrait aussi beaucoup. Voilà, c’est bien que parfois notre poste soit mis en avant.

Tu fêteras tes 28 ans en juillet prochain. N’est-ce pas le moment de ta carrière où tu atteints une forme de maturité ?

J’ai l’impression de progresser chaque année. Je ne me fixe pas forcément de limites par rapport à mon évolution. J’espère que je serai encore meilleur dans les années à venir mais j’ai toujours eu cette sensation-là et notamment sur les dernières saisons où je trouve que c’est un peu plus marqué par rapport à mon efficacité en attaque, par rapport aussi à ma présence défensive. Mon bagage technique et tactique s’épaissit aussi avec le nouveau défi avec Veszprém qui m’apporte beaucoup. Savoir prendre plus de responsabilités et les assumer me fait vraiment plus avancer depuis les 3-4 dernières années. C’est une satisfaction de disputer les plus grandes compétitions pour confirmer et aller chercher de meilleures prestations individuelles.

Cette élection pour le meilleur joueur du monde 2023 intervient après l’EHF EURO 2024 où tu as particulièrement brillé. Crois-tu que cela puisse influencer les votants ?

Oui en effet les votants auront peut-être aussi en tête ce souvenir récent qui peut les influencer au niveau des votes. Bon cela dit, je pense qu’il y aura aussi plein de joueurs de très haut niveau qui vont voter, je pense aux Danois pour Gitsel et aux Allemands pour Wolf. J’espère aussi que les Français me supporteront. Ma compétition du mois de janvier a été très bonne et j’en suis totalement satisfait. J’ai été mis aussi dans les meilleures conditions par le staff et par le collectif.

Cinq semaines après le titre européen, quel regard poses-tu sur l’Euro 24 ?

Aujourd’hui je ne me retourne pas forcément dessus car l’Euro est passé et en tant que sportif de très haut niveau, il faut être capable justement d’enchaîner sur les échéances suivantes. Dans un premier temps avec le club puis avec l’équipe nationale parce que c’est une année qui est, comme on le sait, qui sera très riche avec les Jeux en France. Bon, c’est vrai, j’y ai tout de même réfléchi un peu les quelques jours qui ont suivi. Je pense que nous avons livré une grande compétition dans l’ensemble. Nous sommes invaincus et nous avons su aussi nous sortir des moments très compliqués avec deux prolongations à disputer. Nous avons fait preuve de beaucoup de caractère et je pense que chacun a réussi à apporter à l’effectif, chacun à sa manière, dans le rôle qui lui appartenait. Nous avons trouvé un certain équilibre lié à notre expérience ensemble maintenant depuis pas mal de d’années. Je pense que la différence se fait là-aussi, car les compétitions se jouent souvent à pas grand-chose. C’est une vraie satisfaction car c’était un objectif de très bien figurer à l’Euro et de le jouer pour le gagner. J’espère qu’on sera en capacité de maintenir voilà ce degré d’exigence et de performance, de réalisme aussi parfois, pour aborder au mieux la préparation des J.O. à Paris.

Comment te motives-tu pour le prochain Trophée des Continents à Montpellier ?

Personnellement je le vois comme une opportunité de nous retrouver et de pouvoir célébrer encore un petit peu ce titre, aussi avec nos supporters sur les matchs qui nous attendent à Montpellier. Cela me fait plaisir, à titre personnel, de pouvoir revenir à Montpellier notamment parce qu’il y a un super public là-bas et que nous serons très bien reçus. Ce stage sera aussi une passerelle pour faire le bilan de la dernière compétition et se projeter un tout petit peu sur ce qui va arriver très vite, à savoir la préparation des J.O. Je pense que c’est important de clôturer l’Euro et de se projeter aussi sur les J.O. parce que ce sera une échéance importante.

La semaine passée, tu as affronté Montpellier en Ligue des Champions, dans le cadre de la Ligue des Champions. Que retires-tu de ce match abouti avec Veszprém ?

C’était vraiment un réel plaisir. Avec le club, nous sommes dans une bonne dynamique depuis le début de la saison et je trouve que depuis février, nous avons encore franchi un cap. Nous aurons encore gros morceau cette semaine avec la réception de Magdebourg, un match très important pour essayer de se qualifier directement pour les quarts de finale. Il n’y a pas qu’un chemin pour rejoindre Cologne, car cela ne nous assurerait pas de jouer le final four. Cela nous éviterait de disputer deux matchs qui peuvent se révéler important dans la gestion des organismes au niveau mental.

En quoi le fait d’avoir évolué à Montpellier, à Barcelone et désormais à Veszprém avec de nombreux internationaux français est précieux pour développer les affinités en équipe de France ?

C’est totalement juste. Le fait de travailler ensemble en club a forcément de l’impact : si nos relations étaient déjà très bonnes, on échange plus, on se connaît encore mieux techniquement et personnellement aussi. Ça nous tient vraiment à cœur d’avancer ensemble et si on est très performants en club, c’est un bien pour l’équipe de France. J’ai eu la chance de jouer en club avec plusieurs joueurs de l’équipe de France. De fait, je m’entends très bien avec tout le monde et je suis vraiment très à l’aise dans le groupe. Tout cela conduit à se sentir bien au quotidien et à être performant sur le terrain

Après avoir grandi à Banyuls, débuté à Montpellier puis avoir rejoint Barcelone, considères-tu que Veszprém constitue véritablement ta première expérience à l’étranger ?

C’est vrai que le départ à Barcelone, on va dire que c’était partir à l’étranger sans trop partir trop loin, était assez favorable car j’ai des racines catalanes. Donc forcément personne n’avait de doute par rapport à mon intégration. L’arrivée à Veszprém a nécessité de parler anglais et de s’adapter à de nouveaux joueurs et aux nouvelles méthodes de travail. C’est super de découvrir à un nouveau groupe et à un nouveau fonctionnement, une nouvelle culture. Avec ma famille, on s’est aussi rapidement senti à l’aise ici notamment pour notre fils. Tout cela contribue à me rendre performant. Mine de rien, c’est intéressant de découvrir une autre culture. J’essaie d’apprendre un peu le hongrois mais bon, ce n’est pas évident mais c’est une forme de respect par rapport aux gens qui nous accueillent et qui nous font confiance.

Pendant le dernier Euro, plusieurs de tes coéquipiers ont évoqué la minutie avec laquelle tu prépares les matchs et les informations que tu partages. En quoi est-ce nouveau ?

Je l’ai toujours un peu fait car ça fait partie du job. Mais à ce niveau d’intensité, je pense en effet que c’est la première fois que j’ai souhaité consacrer plus de temps à la préparation des matchs. Je l’avais déjà fait sur le Mondial 2023 et j’avais trouvé que cela avait été intéressant notamment sur les matchs décisifs. Sur cet Euro, je voulais essayer de confirmer ça à minima et essayer d’être encore plus précis et plus pointilleux. Sur l’ensemble de la compétition, je me suis senti aussi énormément investi mais ça fait aussi partie des responsabilités que j’ai aujourd’hui et qui font, je pense, partie de l’évolution dans une carrière. J’ai ainsi été en capacité à beaucoup m’exprimer. C’était aussi important à titre individuel que collectif pour essayer de performer durant toute la compétition et forcément quand on s’investit, qu’il y a un résultat comme celui qu’on a connu au mois de janvier, c’est très satisfaisant.

En amont de l’Euro, Guillaume Gille avait partagé son ambition, à savoir remporter l’Euro, l’année des J.O. Comment avais-tu accueilli ce défi ?

Je partage totalement cette vision et cette philosophie. Je pense qu’il faut absolument profiter de tous les moments et essayer de se battre à chaque fois pour l’échéance qui arrive et ne pas penser à la suivante, en l’occurrence les Jeux. Je pense que cela a été un élément important dans la préparation de la compétition qui arrivait et de savoir comment nous avions envie de la jouer. Les réponses ont été assez rapides et assez claires : c’était gagner une compétition que l’équipe de France n’avait plus remportée depuis 10 ans. Je pense que nous avons fait les choses dans le bon ordre et c’est ça qu’il faut retenir. C’est à fois la mentalité de notre sélectionneur et celle de notre groupe de savoir se centrer sur l’échéance qui arrive et qu’on ne choisit pas les compétitions qu’on à envie de jouer ou de remporter. Pour nous, tout est important : mouiller le maillot, défendre nos couleurs du mieux possible, et ce, quelle que soit la compétition. C’est ça le secret.