Dans exactement 21 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 30e épisode avec « Made in China ».

PÉKIN – FEMMES
Made in China

C’est le quart de finale le plus déséquilibré. La Russie est inapprivoisable. Championne du monde en titre. Majestueuse, huit mois plus tôt, dans les arènes de Metz face aux demoiselles de France (31-20). Invaincue ici à Pékin, elle irradie, dans les pas de Lioudmila Postnova, l’âme slave, confortée par les fulgurances platines de la benjamine Irina Bliznova.

Les Bleues sont au contraire bien pâles. Fessées par la Roumanie, la Norvège et même la Chine cette avant-veille brumeuse, elles avancent hagardes, déguenillées lorsque Fengjuan et Shuyong Liu donnent ce coup de sifflet strident à la tombée de la nuit. Les deux soeurs chinoises sont des novices, arpètes de l’arbitrage. Elles n’ont jusqu’alors dirigé qu’un inoffensif Angola – Norvège, sans laisser le souvenir d’une quelconque maîtrise. D’évidence, elles ne possèdent pas les compétences nécessaires pour un rendez-vous d’importance. Le choix est politique. Inapproprié. Même si, à l’instant de la désignation, personne n’ose imaginer le sursaut, l’intrigue envoutante.

Les Françaises, et c’est leur griffe intime, sont pourtant passées en mode survie. Elles mènent vite de quatre buts, un avantage qu’elles conservent à la pause. Comptent encore deux buts d’avance à l’amorce des cinq dernières minutes. Elles sont audacieuses. Généreuses. Elles ne font pas tout bien, affichent une adresse risible à certains postes de la base arrière, mais cultivent toutes ce merveilleux sens du sacrifice. Valérie Nicolas étincelle. Inna Suslina également. La querelle est incessante. Ekaterina Andryushina, meneuse de troupes divine, finit par égaliser. Prolongation.

Le dépit et le chagrin sont prégnants. Mais les Bleues s’agrippent et reprennent la main. A 28-26, elles vont porter l’estocade. C’est sans compter l’art non maîtrisé des deux frangines. « Je me souviens d’un passage en force inexistant sifflé à Sophie », rumine Raphaëlle Tervel, qui évoque « l’un des pires souvenirs de ma carrière, une injustice totale. Je me suis dit alors : mais à quoi bon consentir tous ces sacrifices lorsque le sport est à ce point déloyal ». « Ce devait être le dernier ballon du match, celui de la qualification, appuie Sophie Herbrecht, et j’avais justement décalé Raph quand l’ailière est venue fermer. Il y a but, en aucun cas passage en force. Cette action et cette soirée sont gravées à jamais dans ma mémoire. »

Les Belles de Pékin accusent le coup mais luttent de toutes leurs forces. Éperdument. Deuxième prolongation. A 30-30, sur un jet-franc, les Russes laissent entrer l’immense Oxana Romenskaya pour suppléer Irina Poltoratskaya en défense, changement pourtant proscrit par le règlement. Fengjuan et Shuyong ne bronchent pas. Quelques secondes plus tard, la faute grossière sur Véronique Pecqueux-Rolland n’est pas signalée non plus. Les soeurettes ont depuis longtemps perdu tout repère et leur peu de lucidité. Pour la première fois depuis plus d’une heure, la troupe d’Evgeny Trefilov finit par reprendre l’avantage. On joue alors la 78e minute. Les deux dernières ressemblent à un interminable chemin de croix. La rugueuse Natalia Shipilova inscrit les deux derniers buts, ceux de l’étouffement final. La FFHandball aura beau poser une réclamation détaillant les nombreuses erreurs, les fautes techniques grossières, les joueuses gémir et s’apitoyer sur ce mauvais sort, la morale gardera ce goût âcre, encore plus chez Valérie Nicolas, Véronique Pecqueux-Rolland, Isabelle Wendling et Stéphanie Cano qui auraient tellement aimé achever leur immense carrière d’une façon plus noble.