Dans exactement 40 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Treizième épisode avec « De colère et de sueur ».

SYDNEY 2000 – FEMMES

De colère et de sueurs

C’est une colère froide et écrasante. Olivier Krumbholz est frustré. Dépité. Ses filles menaient 20-16 à l’approche des ultimes minutes. Elles ont encaissé un 7-1 qui les a privées d’un premier succès olympique. Alors il fulmine. Rappelle les enjeux, les devoirs. Il est à cran. Passe encore le revers initial devant la Corée du Sud. Mais cet échec-là face à la Hongrie (22-23) lui reste manifestement en travers de la gorge.

La parenthèse enchantée de Lillehammer s’est violemment refermée. Ce 19 septembre 2000, peu avant 19 heures, les filles sont penaudes, démoralisées. Dans ce vestiaire exigu du Pavillon 2 de l’Exhibition Complex transpire comme une forme de dépit.

Mais alors qu’il vocifère, une voix l’informe que la Ministre de la Jeunesse et des Sports souhaite s’inviter dans ce petit théâtre austral. « Il faut se souvenir que le handball féminin n’en était alors qu’à ses balbutiements, rappelle Joël Delplanque, l’ancien président de la FFHandball, et que cette visite était lourde de sens. » « C’est vrai que nous étions en train de subir les foudres d’Olivier, sourit Nodjialem Myaro, et que l’arrivée de Marie-George Buffet a sonné comme un armistice. »

La Ministre du gouvernement de Lionel Jospin aurait pu assister ce jour-là au triomphe de Séverine Vandenhende, ou à la course de l’Equato-Guinéen Éric Moussambani. Mais elle est bien là, au milieu de cet orchestre désaccordé. Très peu de monde est alors au courant, mais une joueuse a été contrôlée positive avant le début de ces JO, et le résultat n’a été que tardivement révélé. L’embarras de Marie-George Buffet est palpable tant ces Jeux sont placés sous le signe de la lutte contre le dopage. « Elle n’a pas du tout évoqué cette affaire à ce moment-là, se souvient Joël Delplanque, son ancien conseiller technique et sportif, mais elle a tenu à m’accompagner au match. Nous sommes très proches, et sans doute a-t-elle souhaité témoigner son soutien à notre délégation. »

Ses premiers mots réconfortent, rassurent. « C’est la manière de Marie-George, assure Joël Delplanque. Elle est chaleureuse, spontanée. Directe. Nous avions tous les deux envie de partager ce moment et les filles en avaient, je le crois, bien besoin. Marie-George est une combattante. Elle a mené de nombreux combats, elle en a perdu certains, mais elle s’est toujours relevée et c’est ce message qu’elle voulait faire passer aux filles. La peine que les joueuses ont ressenti ce jour-là, elle l’a ressentie elle aussi. »

Le thermomètre affiche encore un peu plus de vingt-cinq degrés lorsqu’elle décide d’embrasser chacune des actrices, accolades de réconfort, gestes naturels et authentiques. Aucune n’a eu le temps de se doucher, et elle n’a pas mesuré les effets de la sudation, ignore les résidus de colle sur les maillots. Elle a un geste pour une, une parole pour l’autre et son tailleur clair garde la souillure de chaque étreinte. Mais elle achève son tour de salle sans ciller, en sueur elle aussi. Son sourire agit comme un stimulant, un fortifiant pour la suite. « Démissionner n’est pas dans mon caractère », rappelle-t-elle inlassablement. Olivier Krumbholz semble comme apaisé, soulagé par cette alliée de circonstance. Quelques jours plus tard, ses filles n’échoueront qu’après prolongation, en quart de finale, face aux futures championnes olympiques danoises.