Dans exactement 35 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Dix-huitième épisode avec « La course au large ».

RIO 2016 – HOMMES

La course au large

La dernière fois, c’est sur un missile de Nikola Karabatic. Sept buts d’avance à dix-huit minutes de la délivrance. Un trésor qu’il suffit de bichonner dans la Future Arena de Rio. Mais Julius Kuhn et ses camarades allemands jettent un dernier souffle. Uwe Gensheimer ne rate rien ou presque. Dans sa cage, Silvio Heinevetter désespère les tireurs français. Deux buts de Tobias Reichmann ramènent le score à 28-28 à l’amorce de l’ultime minute. Les regards bleus sont vagues.

Didier Dinart réclame un temps-mort. Dix secondes après la remise en jeu, Daniel Narcisse provoque une faute. Il n’en reste plus que neuf lorsque Cédric Sorhaindo va amorcer l’ultime enclenchement. Kentin Mahé et Luc Abalo se positionnent aux ailes. Nikola Karabatic est encadré de Daniel Narcisse et Valentin Porte. Le bras des arbitres est levé. Le droit à l’erreur plus toléré.

Toujours alerte, Daniel Narcisse vogue vers ses trente-sept ans. Il a offert quelques vingt-huit minutes soignées, inscrit six buts, distillé deux passes décisives. Il connaît cet adversaire. Il a joué sept ans en Allemagne, dont trois saisons avec Reichmann à Kiel. Il a souvent croisé la route d’Heinevetter sur les parquets de Bundesliga. Il sait ses réflexes. Ses préférences.

Cédric Sorhaindo choisit de servir Valentin Porte qui vient solliciter un croisé avec Daniel Narcisse après un relais avec Nikola Karabatic. La course du Réunionnais, large, brutale, désarçonne Finn Lemke. A l’intérieur, Cédric Sorhaindo mobilise et Hendrik Pekeler, et Julius Kuhn. Uwe Gensheimer garde pour sa part un oeil sur Luc Abalo.

Il ne reste aucune autre alternative que le tir, là-bas, à l’extérieur, hors position. « Daniel est allé chercher un un contre un très très large, sourit Didier Dinart, avec un tir très, très externe. »

Son pied gauche mord la ligne des neuf mètres. Il s’arrache. Le tir est soudain. Croisé. Le pied droit d’Heinevetter effleure à peine le ballon qui fracasse le filet. Daniel Narcisse glisse sur le dos jusqu’au panneau marqué des anneaux olympiques. Il se relève comme quand il avait vingt ans. Gensheimer a ses deux mains sur ses hanches. « Air France », sur ce coup bien ancré au sol, pense à replier, la bouche close, avant même de songer à célébrer son but, le but pour la finale. Une seconde, deux secondes, le voilà qui respire enfin, la mâchoire desserrée. Michaël Guigou, Luc Abalo, Thierry Omeyer puis Valentin Porte sont les premiers à l’enlacer. Les premiers à l’étouffer. Quand bien même il consentira, espiègle, un « tout ça n’est plus de mon âge », force est de constater que l’expérience et la maturité ont prévalu sur la fougue de la jeunesse.