Dans exactement 24 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 27e épisode avec « Un genou à terre ».

ATHÈNES – FEMMES
Un genou à terre

Il est presque 18 heures ce 26 août 2004. Les arbitres grecs, Sotiris Migas et Fotis Bavas, viennent de donner le coup d’envoi de la seconde période de ce quart de finale brûlant. Les Hongroises ont trois buts d’avance, encore un lorsque Zsuzsanna Lovasz se présente face à Valérie Nicolas à l’amorce de la 36e minute. « Elle entre dans le dos de la défense, se souvient la gardienne bretonne, elle est un peu excentrée au moment du tir, mais pas trop. J’explose, et elle tire au-dessus de mon bras gauche. Je bouge ma main et je parviens à dévier le ballon sur le poteau avec mon pouce. Sauf que je ne retombe pas à plat, mais sur le côté interne du pied. J’entends un grand bruit au niveau de mon genou. »

Flanqué des kinés, Gérard Juin, le médecin, se hâte à la rescousse. Il l’aide à se relever, la cajole et la raccompagne sur le côté. « Il me strappe, raconte-t-elle, puis me demande de faire de petites courses latéralement, des exercices talons-fesses. Je ne ressens pas de gêne particulière, et à aucun moment je n’imagine une rupture des ligaments. »

Valérie Nicolas se rassoit alors sur le banc. Joanne Dudziak assure l’intérim sans grande réussite. Son début de tournoi est contrasté. Aucun arrêt avant ce match achevé à 50% de réussite face aux Coréennes. Les Hongroises fleurent l’aubaine. Elles gardent le souvenir amer de la finale de Zagreb, et ce coup du sort attise leur soif de revanche. « Et puis, rigole Valérie Nicolas, Olivier m’aperçoit et me dit : tu peux jouer toi ? Je réponds que oui. Il me renvoie sur le terrain. Ma première intervention est sur une contre-attaque. Je veux sauter, mais je ne décolle même pas. Je m’affaisse lamentablement. Je regarde le banc et je fais signe : c’est mort. Je revois Gérard demander à Olivier pourquoi il m’a relancée. Dans sa tête, je ne pouvais vraiment plus jouer. »

Dans le désarroi le plus total, Joanne Dudziak est de retour aux affaires. Pendant ces vingt-quatre dernières minutes, elle est éclatante. Elle détourne sept ballons à 47% de réussite. Sa stabilité, ses parades franches insufflent un élan. Véronique Pecqueux-Rolland et Raphaëlle Tervel se laissent alors griser et offrent un matelas confortable à trois minutes du terme (25-22). Une fois encore, les Hongroises affichent cette vulnérabilité émotionnelle dont elles sont malheureusement coutumières.

Les Bleues célèbrent maintenant leur première participation à une demi-finale olympique. Valérie Nicolas et Gérard Juin attendent, eux, le résultat de l’IRM dans un hôpital d’Athènes. Il est sans appel : rupture des ligaments croisés antérieurs du genou gauche.« Je me souviens du retour au village, soupire-t-elle. Les filles étaient réunies dans l’appartement. Elles attendaient, elles voulaient savoir. Une joueuse m’a demandé si je pouvais jouer. J’ai répondu : oui, mais pas demain. Et je me suis écroulée… » L’équipe de France aussi…