Dans exactement 41 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Dixième épisode avec « Tête en l’air, torse nu ».

LONDRES 2012 – HOMMES

Tête en l’air, torse nu

C’est un magnifique bâtiment victorien en bord de Tamise, le Old Billingsgate, juste en face du Tower Bridge. L’espace de cette parenthèse olympique, ce centre culturel, lieu d’accueil de manifestations et de concerts offre ses 7000 m2 au Club France, cercle fermé dédié à la famille olympique. On y trouve des restaurants, des salles de conférence, un espace médias, des salons privatisables. Les athlètes viennent y célébrer leur médaille, d’anciens champions s’y promènent, les supporters sans billet suivent les épreuves sur écran géant une Mild Ale à la main. Il y a également une scène. Yannick Noah, Louis Bertignac ou Imany s’y sont tour à tour produits. Les Bleus aussi.

Ce 12 août en fin de soirée, ils fêtent leur médaille d’or dans un des salons du premier étage. Puis sont invités à venir à la rencontre de leur public depuis cette estrade surplombée d’un gigantesque mur d’images.

Il est à peine plus de minuit. Les basketteuses sont de pétillantes complices. Guillaume Joli se mue en ambianceur. « Les footballeurs espagnols venaient d’être champions d’Europe en Ukraine, rigole-t-il, et Pepe Reina, le troisième gardien, avait fait le show pour présenter ses coéquipiers. Nous étions en stage à La Toussuire, et j’avais dit aux gars : si nous sommes champions olympiques, je ferai la même chose. Je me suis emparé du micro, et c’est parti. On était tous un peu sur Saturne et tout le monde s’est mis à chanter, à hurler. » « En fait, insiste Jérôme Fernandez, on s’est tous pris pour des rock stars. On était fatigués, grisés aussi, on a fait un peu n’importe quoi et on s’est mis à plonger dans la foule. Les gens nous rattrapaient, heureusement. »

Certains sont torse nu. La médaille autour du cou. Une vieille tradition héritée des Barjots consiste à se déchirer mutuellement la chemise ou le polo les soirs de cérémonie. Jérôme Fernandez n’a pas sa médaille, il l’a oubliée au village olympique, juste son accréditation, sésame indispensable pour regagner ses pénates. « Sauf que lors d’un saut dans la foule, j’ai dû la laisser tomber, rigole-t-il. Je l’ai cherchée partout, dans les salons, sur la piste, je pensais l’avoir glissée dans ma veste, mais je ne l’ai jamais trouvée. »

Le voilà-donc sans abri, interdit d’accès au village olympique. Il réclame de l’aide à Michel Barbot, faiseur de miracles. Le problème, cette fois, est inextricable. « Isabelle Sévérino qui était, je crois, représentante des athlètes au CNOSF était avec nous, et m’a proposé de dormir à l’hôtel du CNOSF. Je l’ai suivie dans les rues de Londres. Torse nu. En short. Sans papier. Sans argent. Le truc le plus fou, c’est que sur le chemin, nous avons croisé Jackson Richardson qui revenait de je ne sais où. Il portait un sac adidas. Isabelle lui a demandé s’il n’avait pas un tee-shirt dedans. Il en avait un. Je l’ai enfilé. Il m’arrivait au nombril. »

L’hôtel est complet. Jérôme Fernandez se satisfait d’un canapé dans la chambre de sa bienfaitrice. Il n’est pas au mieux quand il se réveille, au milieu de la matinée. Le rendez-vous est fixé à midi à la gare de Saint-Pancras. « Michel Barbot m’appelle pour me dire qu’il a pris mes affaires et ma médaille. Isabelle m’avance le prix de la course. J’arrive un petit peu en avance et je tombe sur Joël Delplanque et son épouse qui me découvrent, interloqués, en short et tee-shirt. Ils me proposent un café. Je les suis. Puis la délégation arrive à son tour et Titi me donne mes affaires. Je file aux toilettes revêtir la tenue officielle. Et quand je sors, je tombe sur un groupe de journalistes dont un qui m’interviewe en direct pour le journal de 13 heures de TF1. Et il était au courant de toute l’histoire ! »

Sur le quai, avant d’embarquer dans l’Eurostar, les Bleus retombent sur les basketteuses. Ils ne partagent, cette fois, qu’une modeste coupe de champagne…