Dans exactement 48 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Troisième épisode avec « La séquence est irrévocable ».

RIO 2016 – FEMMES

La sentence est irrévocable

La salle s’appelle « Arena do Futuro », mais elle semble plutôt marquer la fin de l’aventure quand les Françaises, cet après-midi du 16 août, regagnent le vestiaire à la pause, corrigées par l’Espagne (5-12), incapables d’endiguer les assauts répétés de leurs meilleures ennemies. Ce débours de sept buts est toujours d’actualité à quatorze minutes du terme (11-18) et l’on voit mal, alors, les protégées d’Olivier Krumbholz forcer le barrage vers les demi-finales. « Elles marchaient sur l’eau, se souvient Gnonsiane Niombla, tout leur réussissait. Tactiquement et techniquement, nous étions à côté de la plaque. »

Le réveil est soudain. Brutal. Un 3-0 contraint Jorge Duenas à prendre un temps-mort. Ses filles apparaissent soudain plus pâles, hésitantes. Elles enchaînent les fautes techniques, subissent les impacts. Les Françaises se rapprochent à deux buts, mais un jet à sept mètres de Nerea Pena les condamne sûrement (23-20, 57e). Deux coups de griffe d’Alexandra Lacrabère et une grosse faute de Macarena Aguilar sur Allison Pineau plus tard, leur offre une dernière chance. Il reste vingt-six secondes au moment où Gnonsiane Niombla se présente sur la ligne des sept mètres pour tenter d’arracher la prolongation. « C’est un souvenir inoubliable, concède-t-elle aujourd’hui, même si je retiens moins ce pénalty qu’un arrêt à six mètres de Doudou sur Nerea ou le kung-fu d’Estelle. En fait, sur l’instant, j’ai le sentiment de me sentir bien, relâchée. Je me dis qu’après une telle remontée, il serait juste fou de tomber, d’échouer. Je me souviens qu’Allison me demande si je suis bien sûre de vouloir le tirer. On était dans l’idée que celle qui avait marqué le précédent enchaînait. Béa (Edwige) m’apporte le ballon. Pour elle, c’est une évidence que je dois le tirer. Je la vois regarder Allison, il y a un petit échange entre elles. Je sais que Darly (Zoqbi de Paula) sera dans la cage. On se connaît. Nous avons joué ensemble cinq saisons à Fleury-les-Aubrais. Silvia (Navarro) est plus petite et ne reste jamais sur sa ligne. Darly reste sur sa ligne et je déteste ça. J’aurais aimé que ce soit Silvia. Je l’avais étudiée. Mais je me retrouve face à Darly. Marta (Mangue) vient la voir et lui dit : « tu sais où elle va tirer. Tu sais ce qu’il te reste à faire. »

« Je crois que je n’ai jamais tiré un pénalty de manière aussi bizarre. Pourtant, je me dis : c’est bon Gnonsiane, tranquille, ne vas pas commencer à chercher la lucarne, tu ne sais pas faire. Tout le monde sait que je tire en bas à gauche avec un rebond. Prends juste ton temps, mets-y l’intensité nécessaire, la détermination et ça va passer. Je ne suis pas du tout certaine d’avoir saisi le poids que j’avais sur les épaules. Je me dis que je vais le marquer. C’est tout. J’ai une gestuelle particulière, une feinte qui ne feinte personne. Je pense que Darly part du mauvais côté. C’est incroyable parce que j’ai très, très mal tiré. Ma petite soeur m’a dit : je ne voulais pas que tu le tires parce que si tu l’avais raté, on t’aurait identifiée à cet échec. Quand je reviens sur le banc, Éric (Baradat) me fait un petit bisou sur les cheveux. Je déteste ça. Ma première réaction a été de dire : putain, Eric, tu fais quoi là ? Je crois que je n’étais même pas émue d’aller en prolongation. » Elle l’était dix minutes plus tard, d’aller en demi-finale (27-26).