Dans exactement 23 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 28e épisode avec « La fin des Barjots ».

ATLANTA – HOMMES
La fin des Barjots

Quelques mois plus tôt, sur les berges du Guadalquivir ou les landes de la Mancha, les champions du monde de Reykjavik se sont affadis. L’équipe qui s’affiche lors de ces Jeux du centenaire à Atlanta, sans quatre de ses mousquetaires les plus vénérables, apparaît dépenaillée, douée d’une confiance aussi inébranlable que déraisonnable. L’étonnant paradoxe, c’est qu’elle joue bien. Elle soigne son entrée, sermonne l’Espagne, étouffe l’Algérie, le Brésil puis l’Égypte. Elle trébuche bien face à l’Allemagne, mais accède à la demi-finale et semble décidée à renverser, comme à sa délicieuse habitude, toutes les prédictions.

Sous ce vernis, la réalité est nettement moins aveuglante. Des fissures sont apparues dans un groupe scindé en clans. C’est le temps de la discorde. L’équipe ne renvoie plus l’image de la solidarité et du plaisir. Le laisser-aller et le désordre règnent en maître. L’équipe de France a perdu ses meneurs, ses régulateurs, les garants d’un certain état d’esprit, ses modérateurs, surtout, quand les égos s’agitent trop fort. Les anciens sont orphelins de ces absents terriblement présents, et ne comprennent pas que l’on ne finisse pas le bâtiment avec les architectes du début. Philippe Gardent, Laurent Munier, Thierry Perreux et Éric Quintin partis, c’est tout un art de vivre ensemble qui s’est effiloché. Il est question de négociations de primes. Des conditions obtenues par Jackson Richardson auprès de son partenaire adidas. Il est question de tout sauf de l’esprit des Barjots. « On n’avait plus cette force collective mentale, soupire Denis Lathoud. Et les Croates que nous avions giflés en finale du Mondial en Islande voulaient leur revanche et étaient nettement plus soudés que nous ne l’étions alors. »

On a coutume de dater la mort des Barjots à ce 2 août 1996 dans le Hall G du Georgia World Congress Center. « Avant même de partir pour Atlanta, il n’y avait plus d’équipe », prétend pourtant Lathoud. « Au départ de l’avion, appuie Daniel Costantini, ils avaient déjà la médaille d’or autour du cou, mais une fois sur place, ils faisaient les coqs plus qu’autre chose. »

Cette demi-finale marque en tout cas la fin d’une époque romanesque. Patrik Ćavar est au sommet de son art. Goran Perkovac d’une efficacité clinique. Christian Gaudin a beau retarder l’échéance, faciliter une ultime égalité à 16, la noblesse est Croate et quand la joute se durcit un peu, l’équipe de France finit par se liquéfier. Les dissensions internes se révèlent au grand jour au point que plusieurs joueurs, pétris de déception, ne veulent même plus se battre pour la médaille de bronze face à l’Espagne. Philippe Bana dit alors assister « à l’explosion du handball français. » « L’âme des Barjots avait fini par disparaître », conclut Frédéric Volle.