Dans exactement 27 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 24e épisode avec « Le bonsoir des papis russes ».

ATHÈNES – HOMMES
Le bonsoir des papis russes

Le ciel est bleu, dégagé, l’issue irrécusable. Les partenaires de Jackson Richardson sont gonflés à bloc. Ils ont remporté les dix-sept rencontres qu’ils ont disputées depuis l’Euro en Slovénie. Dont les cinq d’Athènes, mais surtout cette dernière, aveuglante, face à l’Allemagne (27-22).

L’issue, oui, est indéniable. Les Russes, trois semaines plus tôt au Caire n’ont pas vraiment existé (27-32). Ils avaient même fini éparpillés à Madère l’année d’avant (15-31). Ils n’ont remporté que deux malheureuses victoires avant d’atteindre, miraculés et fourbus, ce quart de finale. Denis Krivochlikov a 33 ans, Viatcheslav Gorpichin 34, Vassily Koudinov 35, Aleksander Touchkin 40, Andrei Lavrov 42. Ils sont des tenants du titre courbaturés, un peu esquintés. Promis à une bonne dérouillée.

La marche des Français vers cette conquête des anneaux olympiques ne peut être entravée. Il est un peu plus de 19 heures. L’échauffement s’intensifie. L’exécution capitale approche. Dans la salle, Allemands et Espagnols se livrent un combat de seigneurs. Prolongation. Séance de jets à sept mètres. Le coup d’envoi est retardé d’une cinquantaine de minutes. Les Bleus ne veulent pas perdre leurs repères. Mais ils mijotent dans ce vestiaire soudain décontenancé. Ils trottinent dans le couloir. S’assoient. Trottinent à nouveau. Jettent un œil par-delà le hublot pour voir Henning Fritz détourner les tentatives de Fernando Hernandez, Jon Belaustegui et Juanin Garcia. Ils s’agacent un peu. Ils étaient prêts. Ils ne le sont plus vraiment. Dehors, les Russes papotent. Lavrov grille une clope. Touchkin n’est même pas habillé. On entend des rires. Des chamailleries de grands gosses. 

Sans le savoir, sans le vouloir, les favoris se sont vidés de leur influx. Ils prennent bien un meilleur départ, mènent de trois buts à deux reprises, encore de deux à la 35e minute. Mais il n’y a aucune sérénité dans leur jeu. Nikola Karabatic est à 1/6 aux tirs, Daniel Narcisse à 1/5. Une dernière fois, à la 51e minute, ils égalisent grâce à Bertrand Gille. Mais les papis russes ont pour eux la malice, l’expérience mais d’abord une science infinie. Ils ont surtout Andrei Lavrov. Le vétéran de Krasnodar n’a pas touché un ballon avant ce 24 août. Il en détournera 15 ce soir-là, à 38% de réussite, quand un Yohann Ploquin, lancé au débotté, tentera vainement de suppléer un Thierry Omeyer peu en réussite.

Dégoûtés, brisés dans un vestiaire hurlant de silence, les Bleus penauds acceptent la leçon. « Les grandes équipes gagnent, dira Grégory Anquetil. L’équipe de France n’est pas encore une grande équipe. » « On était tous plein d’ambition, ajoutera Jérôme Fernandez, on savait que cela allait être difficile, mais je crois que l’enjeu a mis un peu d’anxiété dans le match. » Cet enjeu qui a laissé les Russes impassibles.