Il y a deux ans et demi, Orlane Kanor se blessait au tendon d’Achille, une blessure qui allait la priver des Jeux olympiques de Tokyo. Depuis, elle est partie jouer en Roumanie, retrouvant sur le chemin de Bucarest la totalité de ses moyens physiques. Des péripéties et des détours qui ont fait grandir l’arrière gauche de l’équipe de France, comme on peut le découvrir actuellement au Mondial 2023.

« J’ai grandi. » Elle n’a que ces mots là à la bouche. Mais on peut le confirmer, après avoir passé un moment à écouter Orlane Kanor nous raconter les dernières années de sa vie. Désormais, c’est loin de la France que la Guadeloupéenne passe ses journées. Loin du cocon de Metz qui l’a accueillie avec sa jumelle Laura et Méline Nocandy à son arrivée en métropole, c’est vers Bucarest et le Rapid qu’elle a choisi de se diriger en 2022. Un transfert motivé par la volonté de sortir de sa bulle de confort. « A Metz, il y avait plein de filles d’expérience, à Bucarest, quand je suis arrivée, j’étais la seule à avoir joué la Champions League quatre fois. La cadre, la saison passée, c’était moi, je suis capitaine cette saison », explique-t-elle. « Je me suis ouverte, je parle bien anglais, il m’a fallu aller plus vers les autres. Et dans le jeu, j’ai de grosses responsabilités. »

Dans les Carpates, Orlane Kanor a également su se responsabiliser face à un encadrement au fonctionnement différent de celui qu’elle connaissait à Metz. « Je suis beaucoup plus autonome sur ma gestion physique. A Metz, Manu est un super entraineur et j’avais l’impression d’avoir ce dont j’avais besoin. Au Rapid, il a fallu que je me responsabilise pour prendre un préparateur physique personnel quand le club a perdu le sien, par exemple », nous raconte-t-elle. Des entrainements plus courts, moins durs physiquement ont forcé la joueuse des Abymes à revoir son logiciel personnel. Après avoir travaillé, pendant un moment, avec le préparateur de l’équipe de France Pierre Terzi, elle a retrouvé dans son club une méthode qui collait à ses besoins. « J’ai du me pousser à faire plus, à me gérer différemment. C’est dans ces moments-là que tu te dis que tu n’es plus une gamine et que tu es capable d’avancer toute seule. »

Son départ pour Bucarest, en juillet 2022, arrivait quelques mois après son retour sur les terrains après une grave blessure. Avril 2021, entrainement avec l’équipe de France, son talon se dérobe, la sentence est lourde : rupture du tendon d’Achille. « La première chose qui me passe par la tête c’est : merde, pas de Jeux olympiques », se souvient Kanor, toujours aussi émue quand on évoque l’épisode. « Rien que d’en reparler, c’est compliqué. Ça a été traumatisant pour moi. En 2021, dans ma tête, j’étais sûre que je mettrais tout en oeuvre pour pouvoir prétendre aux Jeux. Malheureusement, il y a cette blessure. C’était la seule chose qui pouvait m’arrêter. »

De son propre aveu, Orlane Kanor va regarder de loin les performances de ses coéquipières tricolores à Tokyo. Partagée entre la joie qu’elle éprouve de voir l’équipe de France monter sur les cimes de l’Olympe et la frustration de ne pas être de l’aventure. « Je ne sais pas si j’ai regardé beaucoup de matchs, parce que c’était trop dur. Et plus elles avancent, plus te dis qu’elles vont le faire. D’un côté, j’étais trop content parce ce sont mes copines, mais d’un autre, je savais que j’aurais pu y être », nous dit celle dont la trajectoire en bleu, depuis 2021, a été traversée par des soucis physiques plus ou moins bénins. Encore cette année, elle a dû quitter le rassemblement du mois de mars, touchée au pouce, avant qu’un oedème osseux au tibia ne la prive des matchs de qualification à l’EHF EURO 2024 à l’automne.

Alors forcément, alors que les Jeux de Paris pointent leur nez à l’horizon, on a envie de savoir si la jumelle de Laura, a fait le deuil de cette épisode olympique douloureux. « Oui et non. Je crois avoir fait mon deuil, mais en reparler, ça me ravive un peu tout. La blessure est déjà difficile mais quand tu rajoutes les Jeux en plus…Mais c’est passé, je peux regarder les matchs maintenant », sourit-elle. Tout en sachant que pour monter dans le bus pour Paris, il lui faudra être performante lors de ce Mondial du mois de décembre. Avec trois buts, elle a su tirer son épingle du jeu lors de la première rencontre face à l’Angola (30-29). Histoire de montrer à Olivier Krumbholz que cette fois, les Jeux, elle aimerait bien en être. « Maintenant, j’essaye de tout mettre en oeuvre pour être bien et prétendre être sélectionnée. Si ça passe, ça passe et si ça casse, ça casse. »