Avec son compère Christophe Caillabet, David Burguin est chargé de l’analyse vidéo au sein du staff de l’équipe de France féminine depuis 2017. À quelques jours de retrouver les Bleues pour la double confrontation face à la Croatie, il décrit son activité sans en dévoiler tous les secrets qui contribuent à la performance.

Avec Christophe Caillabet, comment vous répartissez-vous le travail vidéo ?
Je traite notamment le live des séances d’entraînement. Dans l’exploitation des images, ce qui est le plus important, il existe une répartition des tâches selon les thématiques, les joueuses, les commandes d’Olivier et de Sébastien.

Qui vous passe commande : Olivier Krumbholz, Sébastien Gardillou ou les joueuses en direct ?
Essentiellement Sébastien et Olivier. Aussi, de temps en temps, ce sont les joueuses en direct sachant que nous avons des routines de travail qui font qu’elles peuvent trouver tout ce dont elles ont besoin, à tout moment, sur la plateforme Dartfish.

Comment les vidéos sont-elles mises à disposition et à quel rythme ?
Après chaque séance, les images sont disponibles sur la plateforme sur laquelle les joueuses ont accès avec la capacité de trier les images avec un certain nombre de critères. Bien sûr nous travaillons en amont sur les adversaires suivants mais l’accès et la mise en commun des images sont seulement disponibles, match par match.

Suite à l’analyse des adversaires, quelle est votre latitude à faire des suggestions à Olivier et à Sébastien ?
Elle est totale, car ils sont tous les deux intéressés pour avoir nos points de vue. Avec Christophe, nous faisons remonter de l’information. Ensuite, Olivier et Sébastien filtrent selon ce qu’ils ont vu et leurs priorités.

Et vous autorisez-vous la même liberté sur les prestations de l’équipe de France ?
Au contraire parce que l’analyse à chaud, au bord du terrain, est différente de l’analyse à froid depuis le haut des tribunes, voire à distance de la salle. Je pense que c’est une plus-value.

Comment gères-tu tes émotions pendant les matchs à fort enjeu alors que tu dois rester concentré pour rentrer tes données sur le logiciel Dartfish ?
Je ne suis pas trop impacté par le scénario des matchs. J’essaie plutôt de me situer dans l’anticipation des événements et de ce qui peut arriver. Je me sens serein et je suis plutôt détaché du contexte.

Comment as-tu vécu les compétitions à huis clos depuis ta chambre ?
Le fait de se trouver à distance de l’événement, peut avoir un impact négatif à certains moments. En même temps, je pense que cela permet de conserver une objectivité totale sur ce que l’on fait. Travailler à distance permet aussi d’optimiser le temps de travail en limitant les déplacements. Lors du Mondial de Kumamoto, j’avais eu la sensation de perdre un temps infini dans tous nos déplacements qui, au final, ont coûté dans l’efficacité du travail.

Quel est votre mode de communication avec le banc pendant et autour des matchs ?
Il est possible de partager des vidéos entre l’analyste présent à la salle et le banc de touche, directement avec Sébastien Gardillou, via une tablette numérique. En revanche, à la mi-temps, sont exclusivement des retours statistiques à partir d’indicateurs prédéterminés.

Vous analysez plusieurs matchs par jour en compétition, comment gardez-vous un niveau de vigilance optimal malgré la fatigue ?
J’ai la sensation qu’on ne s’économise jamais sur les compétitions et c’est pourquoi on en ressort complètement lessivés. On conserve la vigilance avec l’enjeu que l’on met dans la situation et sans doute avec de l’adrénaline et de l’engagement.

Comment réussir à se renouveler dans la pertinence de l’analyse avec la répétition des adversaires, souvent les mêmes sur la fin des compétitions (Russie, Norvège, Danemark…) ?
C’est l’une de nos problématiques centrales. Avec Sébastien, Olivier et Christophe, nous sommes en permanence dans la recherche d’innovations, d’évolutions, de notre manière de présenter les choses, de notre mode d’entrée dans l’analyse. On essaie systématiquement d’enrichir, de corréler les statistiques aux images, et même les données de la préparation physique.
Avec l’historique des rencontres, la mémoire est une donnée essentielle. La connaissance accumulée est clairement un avantage. Mais cela ne doit pas nous endormir : on essaie de capitaliser sur cet avantage et, en même temps, on repasse au crible l’intégralité des actions de l’adversaire que l’on connaît bien afin de déceler toutes les petites modifications qui pourraient faire la différence sur le résultat du match.

Existe-t-il une confrérie des analystes vidéo et quelles sont les relations avec les autres vidéomen ?
Il n’existe pas de réseau international des analystes, ce n’est pas structuré. Aujourd’hui les relations ne sont pas si importantes. Il y a des échanges réguliers avec norvégien Hening, de par notre passé avec la préparation commune pour les J.O. et le fait que nous soyons souvent ensemble dans les hôtels, notamment pour la Golden League. Lors des compétitions jeunes, j’ai aussi noué une relation avec le Slovène qui est également sur les A. On échange de manière superficielle, car cela peut paraître grotesque, car chacun protège ses secrets de fabrication.

Propos recueillis par Hubert Guériau