Triple champion du monde, double champion d’Europe et champion olympique, Guillaume Joli est au cœur de sa 3e saison en tant qu’entraîneur de l’équipe de France U17, en plus de ses responsabilités au pôle espoirs masculin de la Ligue Auvergne Rhône Alpes. Il pose son regard sur la performance de l’équipe de France masculine sacrée en Allemagne et évoque la saison avec ses jeunes pousses.

Récemment dans Handball Podcast, tu as confié « avoir le maillot bleu dans le cœur ». Peux-tu développer ?

Je raisonne comme quelqu’un qui depuis plus de deux décennies, d’abord en tant que joueur, maintenant en tant qu’entraîneur, a le désir de transmettre. Cette idée de transmission s’inscrit dans la volonté que la filière continue à gagner. Que l’on continue à transmettre les valeurs que l’on nous a inculquées très jeune : l’exigence, les valeurs humaines qui ont toujours prévalu, la solidarité, le travail, les ingrédients du travail collectif.

Tu faisais partie de l’équipe qui avait conquis le titre européen de 2014. As-tu des souvenirs particuliers de ce sacre ?

Dès que je vois un podium avec la France victorieuse, il y a forcément des flashes qui reviennent. J’ai aussi trouvé très chouette cette photo des joueurs avec leurs familles sur le podium.

Habituellement performants, les Bleus n’ont pas toujours été en réussite sur les jets de 7m avec seulement 64 % de réussite (24 réussis sur 37 tentés). Est-ce de nature à t’agacer toi qui étais un spécialiste de l’exercice ?

Je ne m’agace pas car je sais que c’est dur de les mettre. Je me dis que nous avons encore de la marge en vue de cet été. Les penaltys, il y a des cycles, avec des hauts et des bas. Hugo (Descat), Kentin (Mahé), Melvyn (Richardson) qui les ont tirés, sont des garçons qui savent très bien tirer les pénaltys.

Un travail spécifique sur les jets de 7m est-il mené au sein des sélections jeunes ?

Nous faisons parfois quelques séances mais ce n’est pas prioritaire. J’envoie toujours tirer des joueurs qui ont envie de le faire. Parfois, il y a des choses que l’on sent, s’ils ont une main ou en discutant avec eux. Sur des matchs amicaux, on peut se permettre de faire des tests. L’idée est de les préparer aux échelons suivants où c’est souvent un détail clef dans les performances, on resserre alors le nombre de tireurs qui ont cette filiation.

Quelles sont tes observations de technicien à l’issue de l’Euro masculin ?

Je regarde les compétitions avec la volonté de réfléchir sur la suite, d’être capable de se projeter, de voir dans quel sens le handball avance. Le jeu s’accélère encore plus et implique de prendre, très vite, des décisions. Le jeu s’est encore densifié physiquement avec beaucoup de rapports de force. Il faut toujours être très précis tactiquement, car les espaces sont plus rares. Les défenses qui s’étaient étagées sont revenues à des défenses plus plates mais avec parfois plus de profondeur. Voilà, tout cela nécessite des adaptations.

Avec un groupe de dix-huit joueurs de la génération 2008-2009, vous avez démarré pied au plancher avec trois bons matchs en décembre dernier, face au Portugal, à la Roumanie et à l’Espagne. Tiens-tu déjà ton ossature pour le championnat méditerranéen en mai prochain ?

Notre stage Nationale 2 qui était auparavant organisé en janvier se tiendra cette saison au mois de juin. Nous ne reverrons pas les joueurs entre le tournoi en Espagne de décembre et le championnat méditerranéen en mai. C’est pourquoi en effet, il y a des chances que l’on retrouve l’ossature de décembre, mais il y aura forcément un peu de turnover car on souhaite poursuivre la détection. Quelques joueurs étaient blessés ont manqué le premier rassemblement.

À quoi faut-il s’attendre sur ce championnat méditerranéen organisé à Ankara en Turquie du dimanche 5 au 12 mai ?

C’est mon souhait d’emmener très vite cette génération en compétition internationale pour gagner en expérience. Nous avons cette opportunité en Turquie face à des pays qui aligneront leur génération 2006-2007.

Comment gérer cette pause de 5 mois sans matchs ?

Nous continuons de suivre les joueurs à distance, en liaison avec les coachs, au travers des vidéos de match. Nous observons à quel niveau de jeu ils évoluent, comment ils se comportent. Nous allons profiter des interpoles aussi pour revoir les joueurs afin de poursuivre le suivi et la détection.

Justement, comment est mené ce travail au sein du groupe de détection fédéral ?

Nous étions encore en réunion à la Maison du handball jeudi et vendredi derniers. Nous effectuons un travail plus global qui va au-delà de la sélection nationale U17 et SN2, notamment sur des réflexions à plus long terme avec déjà des projections sur la saison prochaine.

Habituellement organisé en janvier, le SN2 se tiendra à la Maison du handball en juin prochain. En quoi cela va impacter les 2 rassemblements prévus en fin de saison (Franco-Allemand du 19 au 22 juin, double France-Espagne des 5 et 6 juillet) ?

38 joueurs seront évalués lors de ce SN2 où il est possible, qu’à l’issue des interligues qui se tiendront à Saint-Dié-des-Vosges, des 2009 soient éventuellement présents. Trois joueurs de 2009 ont été vus lors du SN1 et deux étaient présents sur le rassemblement de décembre. Nous retrouverons certainement l’ossature qui aura participé au championnat méditerranéen sachant que la stratégie sera de sortir 2 listes totalement différentes pour les deux rassemblements qui suivront. L’objectif est double : gérer la charge des joueurs en fin de saison et voir un maximum de joueurs sur cette première année, à l’occasion des séquences internationales.

La médiatisation et la disponibilité des matchs sur le digital, permettent-elles de mieux acculturer les joueurs aux exigences du haut niveau ?

Nous avons la chance, dans les sélections nationales, d’avoir des joueurs passionnés et déjà bien accrochés. Si dans ma génération, nous avions le désir d’être champions du monde comme les Barjots et de jouer avec les copains, les nouvelles générations rentrent en pole espoir pour apprendre un métier. Les jeunes savent qu’ils peuvent en vivre, et bien en vivre, et ils se préparent à cela. En ce sens, notre sport a évolué. Les jeunes regardent beaucoup de matchs et d’images de handball, c’est très positif même si c’est surtout du handball offensif. Ils travaillent ainsi leur savoir-faire offensif, car le mimétisme joue beaucoup alors que nous essayons de les acculturer au handball défensif. Nous essayons de travailler beaucoup la défense car c’est l’histoire du handball français et les succès se sont souvent bâtis ainsi.

Deux images ont marqué cet Euro : la défense de trois joueurs, dont Nikola Karabatic, sur le pivot autrichien Wagner et bien sûr le coup franc d’Élohim Prandi face à la Suède. Si tu devais choisir une image…

Déjà, cela très plaisir de voir Niko comme ça. D’abord parce qu’il a été performant sur cet Euro, aussi parce que c’est toujours agréable en tant qu’ami, en tant que supporter. Cette image me plait plus que le coup franc, car elle est hyper symbolique. C’était génial de voir Niko célébrer ce mouvement. C’est une image sur laquelle on pourra s’appuyer. On l’a vu contrer, serrer les poings, s’éclater. Il domine sans doute moins physiquement mais le voir aussi performant et engagé, c’est très chouette. Cela donne un élan et une force à cette équipe. Les jeunes ont envie d’être à ses côtés.