Président de Strasbourg Achenheim Truchtersheim Handball depuis 2020 au relais de David Cochin, ce chef d’entreprise n’a de cesse de structurer un club qui vit ses plus belles heures avec l’accession, en mai dernier, en Ligue Butagaz Énergie et la convocation de Dalila Abdesselam en équipe de France.

La montée en mai, la convocation de Dalila Abdesselam en équipe de France en septembre, 2023 restera vraiment comme une année à part dans l’histoire de l’ATH…

C’est l’année marquante, oui. La montée, ce n’était pas forcément ce que l’on visait à très court terme. On avait demandé le statut VAP (voie d’accession au professionnalisme) avec comme objectif de tenter notre chance à l’horizon deux-trois ans. Dalila, c’est d’abord et surtout une récompense pour elle. Elle a pris le pari de nous rejoindre en N1 il y a huit ans. Elle a connu la montée en D2. Celle en Ligue Butagaz Énergie. Elle a énormément évolué à nos côtés ces dernières années. Cette saison, elle a déjà été élu deux fois dans le 7 de la semaine. Son état d’esprit est irréprochable. Elle joue pour l’équipe, ne cherche jamais à briller de façon individuelle. Elle aime le handball.

Vous disiez que vous ne vous attendiez pas à monter aussi vite. Comment s’est déroulé l’intersaison ?

On a été obligé de se préparer plus rapidement, de dépenser plus d’énergie, d’être le plus efficace, le plus juste possible dans des délais plus courts. Nous avons passé le contrôle de la CNCG (Commission Nationale de Contrôle de Gestion) du premier coup. Je suis très content de ça. Ça me conforte dans l’idée que l’on travaille plutôt bien.

Comment jugez-vous le début de saison de votre équipe ?

Le premier match contre Nantes a été un très beau match. On perd de sept buts en ayant été mené de onze ou douze au bout de dix minutes. Derrière, on perd d’un but à Toulon sans très bien jouer. On n’avait pas l’habitude d’enchaîner des matches de ce niveau tous les trois jours. On a laissé beaucoup d’influx dans cette première rencontre, et on n’est pas arrivé à Toulon avec toutes nos forces, ni surtout la même énergie que contre Nantes. C’était important de battre ensuite la Stella pour nous rassurer. Ça montre que nous sommes au niveau pour jouer le maintien.

Et puis il y a eu Brest…

On prend cher à Brest (39-15). On y est allé pour se battre. Mais la différence de niveau est telle…

Pourquoi les Piraths ?

Je ne connais pas l’histoire exacte, mais elle est née d’un déplacement des filles, lors d’un arrêt sur une aire d’autoroute. Il y avait des jeux pour enfants, dont un bateau qui faisait penser à un bateau de pirates. Depuis, il y avait donc cette idée de pirates avec tout l’imaginaire autour. Surtout, ce développement visera à rendre plus visible le sport féminin de haut niveau sur notre territoire. Et puis nous avons aussi changé de nom. De Achenheim Truchtersheim Handball (ATH), nous sommes passé à Strasbourg Achenheim Truchtersheim Handball (SATH). Et Piraths, ça se termine par ATH.

La métropole de Strasbourg est donc devenue un partenaire institutionnel. Vous allez jouer à la Rotonde contre Nice puis Chambray-les-Tours en ce début de mois d’octobre. Le Rhénus, c’est pour bientôt ?

On envisage, oui, un match au Rhénus, celui contre Metz, le 24 février 2024. C’est un très beau challenge. D’abord, il faut être en mesure de rassembler 5000 personnes, sinon ça n’aura aucun sens. Dans l’accord passé avec la ville, il y a quatre matches prévus à Strasbourg. C’est ainsi l’occasion de vérifier que l’on est capable de mobiliser un nouveau public. La capacité de la Rotonde est de 1270 spectateurs, et on devrait être à guichets fermés et mercredi et samedi. On sent une mobilisation du grand public, des partenaires privés, c’est un premier signe encourageant qui doit nous inciter à poursuivre dans cette voie. Nous sommes capables de produire un beau spectacle, pourquoi pas de susciter un engouement. Et puis, même si les forces sont inégales avec Metz, c’est un peu comme un derby avec deux équipes de la région Grand Est. Et la SIG n’aura pas de match à ce moment-là.

Il a fallu attendre 28 ans après la relégation du HBC Kingersheim pour voir un club évoluer parmi l’élite. Pourquoi est-ce aussi difficile de demeurer à haut niveau ?

J’ai du mal à répondre à cette question. Nous sommes une terre de handball, c’est clair. On a sorti pas mal de filles, je pense à Laura Flippes, bien sûr, à Ilona Kieffer ou à Roxane Franck, qui ont été obligées de partir ailleurs parfaire leur formation, et c’est d’ailleurs ce qui a porté notre projet au départ. Peut-être que la mobilisation du monde économique est moindre qu’ailleurs. Peut-être que d’autres sports prennent beaucoup de place.

Y a-t-il, justement, la place pour un club de haut niveau féminin à Strasbourg ?

J’en suis convaincu. Il y a sept ans, nous étions en N1. Puis nous sommes montés en D2 et aujourd’hui en Ligue Butagaz Énergie. Plus ça va, plus on mobilise. Nous avions un budget de 380 000 euros il y quatre ans. Il est de 1,3 millions d’euros aujourd’hui. Avec moins de 30% de subventions publiques. Nous avons des ressources propres qui sont générées par notre façon de travailler. Le sport féminin est de plus en plus porteur.

Parlez-nous de cette façon de travailler…

Nous sommes et nous voulons rester une association qui prend soin de ses 510 licenciés et pas seulement des vingt qui tournent autour de l’équipe professionnelle. Nous proposons énormément d’actions associatives. Nous avons une approche avec les partenaires plus globale. Nous développons le handball pour tous, des interventions dans les quartiers prioritaires, nous menons une action à la prison de Strasbourg avec la pratique du handball pour les détenues. Nous sommes également présents dans un Lycée dans le cadre du « Mois de l’Autre », un grand projet éducatif mobilisant les lycéens du Grand Est autour des valeurs telles que la tolérance, l’égalité, la laïcité… Nous avons trois salariés qui ne font que des actions périphériques. Nos partenaires privés nous achètent aussi des prestation sport santé, sport entreprise.

Un temps, il fut question d’associer vos forces avec les clubs voisins. Où en sont les discussions avec l’ASPTT et l’ESSAHB ?

Il y a eu des discussions, c’est vrai, sur un projet commun. Elles se sont arrêtées. Il y a aujourd’hui deux projets sous l’impulsion de la ville de Strasbourg. Un qui concerne le haut niveau et que nous menons volontiers. Un autre qui correspond à une volonté de travailler avec les autres clubs du territoire pour construire un programme de formation uniforme, une école d’arbitrage commune à tous les clubs, de travailler sur la formation de manière cohérente. C’est un gros travail que l’on entame à peine. Si l’on veut pouvoir proposer à chaque fille de s’exprimer selon son potentiel sur ce territoire, c’est vers cela qu’il faut tendre.

Vous disiez que votre budget a été multiplié par 3,5 en quatre ans. Il est passé de 850 000 euros la saison passée à 1,3 millions d’euros. Comment faites-vous ?

C’est compliqué, évidemment. Je suis arrivé à la présidence pendant le Covid. J’ai réuni pas mal de partenaires privés grâce à mon réseau professionnel. Je suis présent sur le territoire depuis 25 ans. Le plus important, c’est que nous avons transformé le club en le structurant avant d’aller chercher la performance de l’équipe première. Aurélien Duraffourg a quitté le poste d’entraîneur pour se consacrer à celui de manager général. Jan Basny nous a rejoint. Julien Agnellet, qui était intervenant au club lorsqu’il évoluait en tant que responsable de l’accompagnement des sportifs de haut niveau de la région Grand Est sous l’ère de Jean-Paul Omeyer, a intégré le club en CDI sur un poste de secrétaire général multi-casquettes. Il est notamment responsable administratif et financier. Tous font un travail remarquable.

L’ATH s’est développée en privilégiant la formation, l’éducation, la convivialité autant que la recherche de performance. Pouvez-vous, désormais, continuer dans cette voie ?

Oui, bien sûr, et c’est indispensable. Nous sommes un club de passionnés. L’énergie de tous les bénévoles, tous les adhérents est contagieuse. Certains sont là depuis 30-40 ans. Ce sont ces gens-là qui font tourner le club. Notre réseau de bénévoles est énorme. Ils sont fiers des résultats, mais ils sont surtout attachés aux valeurs et aux racines qui sont les nôtres. Ces valeurs, c’est notre âme. Les conserver n’est pas si compliqué finalement. Si chacun a conscience que sans l’autre il ne fera rien, il est sûr d’avancer. On parlait de Dalila, tout à l’heure, et bien elle est allée voir tous les bénévoles après un match pour les remercier de leur soutien.

Quels sont les gros chantiers du SATH désormais ?

Il y en a un gros, et il est primordial, c’est se maintenir. Nous avons été un peu échaudés par les bruits que nous avons entendus pour un passage de 14 à 12 clubs en LBE en 2025. L’autre chantier touche à la communication. Je demande à ce que l’on parle de nous, que les gens aient envie de venir nous voir. Nous sommes le seul club féminin en première division de tout le Bas Rhin. Que l’on parle de nous comme l’on parle du Racing et de la SIG. Et puis il y bien sûr tout le travail que l’on doit continuer à faire sur le nerf de la guerre. Il est important de mobiliser le monde économique pour qu’il nous rejoigne et nous porte. Se rapprocher de Strasbourg va nous aider.

Vous êtes arrivés à la présidence en 2020. Est-ce un métier différent maintenant que vous évoluez en LBE ?

C’est différent parce que ce n’est plus tout à fait le même club. Je suis arrivé comme bénévole il y a dix ans. Le président m’a demandé, en 2013, de l’aider à imaginer une vision pour le club. J’ai apporté la mienne, celle d’un entrepreneur, le plus modestement possible. Aujourd’hui, nous fonctionnons un peu plus comme une entreprise. Mais les bénévoles sont les mêmes. Les mêmes personnes sont actrices. Ça change sans changer finalement. La taille a changé. La structure a changé. Mais l’esprit perdure.