Le sélectionneur des Bleues revient sur l’EHF EURO 2022 qui a vu l’équipe de France terminé à la 4e place. Il se projette aussi sur la perspective des Jeux olympiques de Paris 2024.

Huit jours après le terme de l’Euro, comment apprécies-tu ce dernier carré ?
Je le vois comme un objectif atteint. En revanche la perte de ce match pour la 3e place m’est intolérable. Je pense que nous devions gagner ce match, quelles que soient les conditions, et que nous avons failli sur ce match de manière un peu incroyable. Nous avons perdu deux matchs consécutifs mais qui n’ont rien à voir.

En quoi n’ont-ils rien à voir ?
Nous perdons la demi-finale face à une équipe qui gagne la compétition contre laquelle on fait un match intéressant pendant 50 minutes et on craque à la fin, ce n’est pas anodin. C’est quelque chose sur lequel on s’interroge depuis un moment. Face au Monténégro, je pense que nous avions les moyens de battre cette équipe ; on s’est laissé entraîner dans un scénario qui ne nous va pas beaucoup.

Qu’a-t-il manqué à ton équipe pour battre le Monténégro ?
On n’a pas réussi à mettre de rythme alors que notre adversaire a cassé le rythme en permanence. On n’a jamais su se reprendre avec des problèmes de fatigue qui ont conduit à perdre de nombreux duels défensifs, ce qui ne nous ressemble pas.

Après la demi-finale perdue et la médaille d’or évanouie, il semble que la perspective du bronze n’a pas totalement transcendé les joueuses…
Je partage ce sentiment mais pour ceux qui portent des jugements et qui ne descendent pas dans l’arène, c’est facile… Je m’autorise à dire que nous aurions dû battre le Monténégro car je suis le coach mais ceux qui ne sont pas descendus dans l’arène ne peuvent pas dire : « au travers de ce que je sais – c’est à dire pas grand-chose – la France aurait dû battre le Monténégro », c’est un peu facile. Je n’ai jamais dit que nous allions à l’Euro pour le gagner. L’objectif c’était d’aller en demies, alors dire que c’est une catastrophe de perdre la place-3-4, cela n’a pas de sens. En revanche, c’est une alerte et une grande déception pour nous qui étions sur le terrain et qui en avions la responsabilité. Une responsabilité que l’on ne fuit pas : je m’inclus dedans, avec le staff, car nous sommes solidaires.

Comment rebondir après cette 4e place frustrante ?
Si nous avions terminé troisièmes, il aurait fallu rester extrêmement vigilant pour s’en servir car cela pouvait être l’arbre qui cache la forêt. Aujourd’hui, il n’y a pas d’arbre qui cache la forêt. Cela fait très mal mais derrière cette période, les ambitieux vont se remettre au travail. Et je pense que sur le chemin de Paris 2024, c’est un rappel à l’ordre très positif. Je ne dis pas que la fin de l’Euro n’était pas importante mais l’objectif essentiel et au-dessus de tout, c’est tout ce qui va se passer jusqu’aux J.O. On a toujours besoin de mettre le doigt sur le truc qui brûle pour se rendre compte que ça brûle. Je le répète : si nous avions terminé troisièmes, n’en serait-on pas à se dire qu’avec quelques réglages on atteindrait notre objectif de gagner les J.O. de 2024 ? Je vise l’or à Paris et rien d’autre. Et si on vise l’or, il faudra mettre la Norvège derrière.

Quels seront les chantiers prioritaires pour y parvenir ?
Je suis certain que les filles le savent et veulent y remédier : nous avons un problème physique face à des filles plus fortes. Soit plus fortes initialement, soit parce qu‘elles travaillent plus. On sait tous que les Norvégiennes travaillent plus que nous, nous avons dix-huit mois pour travailler plus que d’habitude et notamment sur la préparation physique individualisée. Il faut revenir plus fort physiquement et je pense que toutes les actrices sont conscientes de ça. Les J.O. c’est un « trip », un voyage qui doit nous habiter 24h sur 24h et on ne doit penser qu’à cela. Et tout ce que j’ai entendu de la part des joueuses, va dans ce sens : « je me rends compte que dans cette compétition je n’y suis pas tout le temps ou pas complètement, ou pas autant que je le voudrais. Il faut que j’intensifie mon travail. » Le groupe est capable de comprendre que ce travail est nécessaire. Le chantier prioritaire c’est la qualité du travail lorsque les joueuses sont seules avec leur club ou seules pendant les périodes de récupération et de vacances. La période de vacances avant les J.O ; n’aura de sens que pour récupérer.

Si tu as conduit un groupe de vingt joueuses toutes en capacité de jouer sur toute la compétition, une absence est souvent revenue dans les analyses…
L’équipe de France n’avait pas toutes ses armes, ce qui était génial sur les compétitions précédentes, c’étaient les rotations entre Méline Nocandy et Grace Zaadi Deuna. Quand Grace avait beaucoup donné, Méline entrait et développait un nouveau jeu souvent avec les tireuses et on restait vraiment très costauds tout au long de la mi-temps. Dès que nous avons appris la blessure de Méline, nous savions que ça nous enlèverait une rotation cruciale sur la base arrière.

Depuis le Mondial 2021, l’équipe de Russie est absente des compétitions alors qu’elle figurait régulièrement dans le dernier carré, après avoir quelquefois sortie la Norvège…
Elle a écarté la Norvège dans des compétitions où nous avons brillé, aux J.O. ; notamment. Lorsqu’on joue la Russie, nous obtenons de meilleurs résultats que contre la Norvège. Il ne faut pas confondre le handball et les échecs, quand tu gagnes 5 fois de suite aux échecs et que la 6e fois tu perds, tu peux t’interroger. La tour est toujours la tour, le fou est toujours le fou et le cheval est toujours le cheval. Parfois on fait des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être. On compare la France et la Norvège, mais les équipes ont évolué.

Avec cette 4e place à Ljubljana, l’équipe de France est qualifiée pour le Mondial 2023. En quoi est-ce positif pour la programmation des prochains mois ?
Que l’on soit qualifié vers le Mondial, ce n’est pas anodin, car cela évite de prendre du stress en plein gueule et la répétition des échéances finit par user prématurément. Cette qualification va nous permettre de réaliser un travail de fond, en toute sérénité. Au printemps 2023, nous évoluerons en France contre des adversaires de qualité (France – Suède le 5 mars à Montbéliard) et nous n’aurons pas du tout envie de perdre, il n’en demeure pas moins que nous pourrons travailler dans la sérénité.
Nous recherchons encore un sparring-partner pour le mois d’avril. Nous effectuerons un stage fin juin à Capbreton avant une tournée en Norvège, mi-juillet.

Cette période de préparation estivale, ne nécessite-t-elle pas la pleine collaboration des clubs ?
Les clubs français sont tous dans les starts. On étudie avec eux toutes les possibilités innovantes pour donner du temps aux internationales pour se préparer et pour bien récupérer. C’est plus complexe avec les clubs étrangers, c’est du gré à gré avec les présidents et avec les entraineurs. Les internationales françaises seront choyées et préparées : les clubs feront des sacrifices, je n’ai pas d’inquiétude.

Comment embarquer tout le monde jusqu’aux J.O. ?
Quand tu fais ce que tu as toujours fait, tu obtiens ce que tu as toujours obtenu. Sur les deux dernières compétitions, on n’a pas gagné et on veut gagner dans 18 mois. Cela passe par une remise en cause du staff mais travailler plus, je ne vois pas comment. Mais ne faut-il pas se questionner ensemble sur comment être novateurs ? Il y a quelque chose d’intangible, c’est le temps, et il est le même pour tous. Gagnera celui qui en fera le meilleur usage.