Nommé Conseiller Technique National en charge du BeachHandball le 1er septembre 2021 après 25 années consacrées à la formation, Patrick Teyssier est aujourd’hui le chef d’orchestre d’une discipline qui dispute du 24 au 28 mai à Nazaré au Portugal la 13e édition des Championnats d’Europe. En lien avec les différents services de la FFHandball, il s’investit notamment dans les parties développement, formation, haut niveau et promotion.

Quelles sont les ambitions des deux équipes de France à cet Euro de Nazaré ?
Elles se situent à plusieurs niveaux. L’équipe de France féminine est amputée de joueuses majeures puisque les Championnats dans lesquels elles évoluent ne sont pas encore terminés. Certains clubs sont même confrontés à des enjeux importants et il est évidemment normal et logique de leur accorder la priorité. C’est différent pour l’équipe masculine puisque nous alignerons au Portugal l’équipe type. Nous avons fait le choix de ne pas solliciter Benjamin Gallego et Antoine Ferrandier, deux joueurs de Liqui Moly Starligue, mais tous les autres ont répondu présent.

Parlez-nous des objectifs…
L’équipe féminine figure dans une poule très compliquée avec l’Allemagne, championne du monde et d’Europe en titre, et le Danemark, bien installé parmi les meilleures nations européennes. Chez les garçons, c’est peut-être un peu plus ouvert, avec tout de même le Portugal, l’hôte de cette compétition, qui a terminé à la 5e place du dernier Euro, et la Hongrie, plus coutumière des places d’honneur que nous. Sans oublier l’Italie contre laquelle nous n’avons pas vraiment de marge de manœuvre. Mais l’ambition est d’atteindre les quarts de finale, et de progresser puisque nous avons achevé les deux derniers Euros à la 8e place. A Nazaré, les sept premiers seront qualifiés pour les Jeux Européens, une compétition organisée tous les quatre ans par les Comités olympiques européens qui se disputeront à Cracovie du 21 juin au 2 juillet, et nous avons l’ambition de les disputer.

Pourquoi aucune des équipes de France n’est parvenue à atteindre les demi-finales d’un Euro ou d’un Mondial ?
Il y a du retard, c’est vrai, mais les équipes que nous affrontons n’ont pas le même patrimoine Beach que le nôtre. Certaines sont sur le circuit depuis plus de dix ans contre cinq aux équipes de France. Mais cet écart, me semble-t-il en tout cas, se réduit au fil des confrontations. Comme je le disais, les garçons ont atteint les quarts de finale des deux derniers Euros, et ils n’étaient pas si loin que ça des Russes en 2021. Ils manquent encore de maîtrise, d’habitudes, de vécu en commun, et c’est ce retard-là que nous devons combler. Mais au ranking européen qui se base sur les résultats des quatre dernières années, les garçons sont tout de même 6e et les filles 11e.

Le succès obtenu par les garçons à Jarun au début du mois est-il justement significatif des progrès accomplis ?
C’est la première fois que l’équipe de France gagne un tournoi de l’European BeachHandball Tour. Le niveau de jeu a été intéressant, en progrès par rapport aux quatre cinq dernières expériences. J’ai le sentiment qu’il y a eu une réelle prise de conscience, et qu’elle a surtout amené des résultats dans la continuité, ce qui nous manquait jusqu’alors. Nous avons battu la Norvège, quelques jours après avoir dominé en amical la Croatie, certes pas venue avec son équipe type, mais quand même. Ce fut une belle semaine qui nous laisse entrevoir de belles choses au Portugal.

Le Beach est une discipline assez jeune puisqu’il n’est devenu sport officiel de l’EHF qu’en 2000, et qu’il n’a été inscrit aux JOJ de Buenos Aires qu’en 2018. Comment juges-tu sa montée en puissance au niveau international ?
Il y a un réel intérêt de la part des nations traditionnelles, mais également de certaines nations émergentes comme le Vietnam, la Thaïlande ou la Nouvelle Zélande que nous avions rencontrée à Lacanau l’an passé. Les pays africains sont encore un peu en retrait, mais l’Amérique du Sud, avec le Brésil ou l’Argentine notamment, obtiennent des résultats très régulièrement. Le CIO porte son attention sur le Beach parce qu’il est pratiqué sur les cinq continents et que son attrait est grandissant.

Depuis quand la FFHandball a-t-elle décidé d’intensifier ses efforts pour le Beach ?
Depuis 2018 qui marque le vrai départ de l’aventure des équipes de France. Les Fédérations internationale et européenne étaient très insistantes pour que la France, la nation de référence à 7, investisse aussi le sable. Philippe Bana, alors DTN, a accepté de rentrer sur cette scène et de mettre les moyens pour le développement de la discipline. La FFHandball est aujourd’hui l’une des Fédérations qui investit le plus pour le développement du BeachHandball et il faut remercier les dirigeants pour leur engagement à développer cette belle pratique. Pour être tout à fait sincère, je n’étais pas totalement convaincu au début. Mais je trouve finalement que le Beach et le 7 sont très complémentaires et que les aspects technique, tactique, physique sont très intéressants. Sans compter que les pratiquants s’éclatent.

Les premières finales de Coupe de France, l’an passé à Dunkerque, ont généré un réel engouement. Qu’est-ce qui fait réellement la force du BeachHandball ?
Ses trois piliers que nous veillons à entretenir et alimenter : le plaisir, le fair-play et le respect. Ils étaient très présents à Dunkerque et la ferveur constatée vient d’abord de là. Je pense aussi que le fait de mêler les compétitions hommes et femmes génère des ondes très positives. Cette Coupe de France est en tout cas un vrai coup d’accélérateur pour notre discipline.

T’attends-tu à cette même ferveur à Châteauroux où se tiendra la deuxième édition les 8 et 9 juillet prochains ?
Le site est magnifique et je n’ai aucun doute sur le fait que le week-end sera une réussite. D’autant que nous avons créé une autre compétition, les Intercomités, dont les finales se disputeront sur ce même site en marge de la Coupe de France. Entre 35 et 40 comités se sont inscrits pour les tournois inter-secteurs qui se dérouleront le 10 juin sur quatre zones de la Métropole. 40 équipes, ce sont 600 filles et 600 garçons qui vont pratiquer, un vivier important dont nous ne disposions pas jusqu’à présent. Nous cherchons à nous inspirer du 7 pour proposer une vraie détection à partir des 12/13 ans comme en Espagne ou en Croatie. Nos U18 ans ont disputé l’an passé la demi-finale du Championnat du monde avec une trentaine d’entraînement dans les pattes, alors que les adversaires en affichaient 200 ou 300. Ça laisse de l’espoir et ça montre notre potentiel. Ces progrès, maintenant, il faut les confirmer dans le temps, et c’est aussi pour ça que cette semaine de Nazaré est importante.

Quelles sont les différences fondamentales entre le handball et le BeachHandball ?
Il y a beaucoup de choses similaires. Le format, avec deux sets de dix minutes et la séance de shootouts derrière suscite une émotion permanente. La recherche de la virtuosité et de l’esthétisme est également privilégiée.

Un bon joueur de handball fera-t-il forcément un bon joueur de BeachHandball ?
Un très bon joueur de handball fera toujours un bon joueur de Beach. Les deux sports réclament les mêmes qualités, d’explosivité notamment, sauf pour le spécialiste. Mais je suis sûr que le Beach peut aussi amener au joueur de handball. Adrien Oulieu, un gamin de Toulouse un peu introverti, a été élu meilleur défenseur du Mondial l’an passé, et le Beach lui a permis de gagner en confiance. J’ai échangé avec Éric Baradat, le responsable de la filière féminine qui n’hésite pas à récupérer de jeunes filles du Beach pour sa sélection.

Y a-t-il dans l’une des sélections, des joueurs ou joueuses de Liqui Moly Starligue ou de Ligue Butagaz Energie ?
Comme je le disais, la date de cet Euro nous a contraint à des choix. Maud Eva-Copy a un lourd passé de joueuse professionnelle et nous accompagne à Nazaré. Par contre, Meissa Maurice, Laurane Scalabrino ou Juliette Mairot ne sont pas du voyage. 

Propos recueillis par Philippe Pailhoriès