intouchables

La 11e place de l’Euro 2012 disputé en janvier dernier en Serbie avait mis une pression considérable sur les Experts. À Londres Jérôme Fernandez et ses coéquipiers, Claude Onesta et son staff, ont su relever l’improbable défi : demeurer champions olympiques en titre. Sur l’Olympe, les handballeurs français sont intouchables.

Un début de tournoi facile puis une défaite face à l’Islande qui menace la sérénité de l’équipe de France avant son quart de finale. Et puis trois matches décisifs d’une grande intensité jusqu’au Graal d’un second titre olympique. Après Pékin, les Experts ont écrit à Londres une nouvelle chevauchée fantastique. Sept merveilles du monde et un électrochoc

L’émotion submerge trois joueurs français, c’est entendu, mais ce sont les binationaux de l’équipe britannique (Prieto, Edgar, Vincent). Une ambiance fabuleuse, un public novice qui manifeste sa joie à chaque but et ne boude pas son plaisir malgré l’écart flagrant entre les deux équipes. Onesta s’appuie sur Guillaume Gille en défense et profite du galop d’essai pour répartir le temps de jeu, y compris entre Omeyer et Karaboué. Fernandez (9 buts) et Honrubia (7) démarrent les Jeux sur les chapeaux de roue.
Homme du match : Guillaume Joli (11 buts)

Ça commence par une légère inquiétude concernant Michael Guigou, mis au repos et même absent de la feuille de match. Les frères Diego et Sebastian Simonet font passer quelques frissons dans la défense française mais l’attaque embraye rapidement et creuse un écart conséquent. Un nouveau test réussi mais trop facile pour tirer des enseignements collectifs. En tout cas, Daniel Narcisse (5 buts), Samuel Honrubia et Cédric Sorhaindo (4 chacun) confirment leur belle santé du moment.
Homme du match : Nikola Karabatic (7 buts)

Contre des adversaires qu’ils connaissent parfaitement, les Experts l’emportent avec sérieux mais non sans mal (17-17 à la 45e). S’ils décrochent une qualification attendue pour les quarts de finale, plusieurs joueurs continuent de chercher leur rythme, notamment Barachet et Guigou, qui dispute ses premières minutes du tournoi. Honrubia (4 buts) assure un intérim convaincant, Sorhaindo confirme sa belle montée en puissance tandis que Narcisse et Karabatic expédient les affaires courantes.
Homme du match : Daniel Narcisse (7 buts)

Même d’un seul but, la cinquième défaite de l’année 2012 convoque le triste souvenir de l’Euro à Novi Sad et si les joueurs repoussent la comparaison en bloc, Claude Onesta lance des contre-feux mais reconnait tout de même qu’il se pose des questions sur la forme de plusieurs éléments et le devenir de la défense en 1-5 qui expose Thierry Omeyer (seulement 29% de parades). Surtout, ce revers éloigne la France de la première place du groupe et lui promet un quart de finale relevé.
Homme du match : Jérôme Fernandez (9 buts)

La réaction n’attend pas. En s’appuyant sur une défense dense en 0-6, les Experts creusent l’écart rapidement grâce à la réussite au tir de Narcisse et l’altruisme de Karabatic. Comme souvent dans les moments délicats, Onesta s’en remet aux anciens, Omeyer et Fernandez en tête. Au relais de l’excellent Honrubia, Guigou trouve enfin ses marques. L’échec de l’Islande est oublié mais il faudra encore hausser le rythme en quart de finale pour écarter une équipe espagnole plutôt à l’aise jusque-là.

Avec leur défense de fer et des tirs parfaitement ajustés, les Bleus creusent inéluctablement l’écart et le succès prend une ampleur inespéré : 24-19, score final. C’est la première fois que l’équipe de France réussit à enchaîner deux grands titres. Igor Vori ne finira pas la finale : le pivot est sanctionné d’un carton rouge qui ternira son excellent mondial où il est désigné MVP.

Du cauchemar au rêve. Il faut patienter 16’12’’ pour que Sorhaindo marque le premier but français dans le champ. Jusque-là, Sterbik aimante tous les tirs (61% de parades à la pause). Omeyer a la bonne idée de lui rendre la pareille pour limiter les dégâts (9-12). Et puis Claude Onesta a l’intuition gagnante : il lance son 15e homme et la France grignote son retard jusqu’à l’ultime possession où la chance se mêle à la réussite. Cette fois, Sterbik renvoie le ballon dans les mains de l’arrière montpelliérain (un pied légèrement en zone d’après les images rabâchées le lendemain par la presse espagnole) qui anéantit le superbe match des Espagnols.
Homme du match : William Accambray (7 buts)

L’entame ressemble à celle du quart de finale mais à la faveur des Experts, cette fois. Autour du roc Dinart, la défense annihile les offensives croates. Le collectif construit sa victoire avec calme et sérénité. Le match que l’on annonçait le plus difficile contre un adversaire rayonnant sera finalement le mieux maîtrisé. L’ailier moustachu Horvat (6 buts) est le seul qu’un fabuleux Omeyer n’écœure pas. Au bout de cinquante minutes, le meilleur ennemi des Français lâche et l’écart se creuse tranquillement. «Pas mal pour une équipe de vieux», commente le sélectionneur Claude Onesta, doux-amer.
Homme du match : Thierry Omeyer (26 parades)

Les partenaires de Jérôme Fernandez reviennent de trop loin que laisser échapper cette finale olympique. La rencontre est serrée mais faible en émotion tant le champion en titre maîtrise son sujet. Bien sûr, les Scandinaves restent à touche-touche mais les diaboliques Guigou et Abalo, auteur de quelques mouvements d’anthologie, redonnent de l’air à chaque fois que l’écart se resserre. Aussi costaud en défense qu’adroit en attaque, Barachet s’est remis la tête à l’endroit le Jour J. La France remporte son deuxième tournoi olympique consécutif et rejoint dans le gotha du handball mondial l’URSS (1988) et la CEI (1992).
Homme du match : Xavier Barachet (4 buts)

Égalité à la fin du quart de finale contre l’Espagne. Il reste une poignée de secondes. Le ballon retombe dans les mains du 15e homme. Celui que personne n’attendait…

Pendant l’été, les handballeurs espagnols ont fait des cauchemars de William Accambray. En quart de finale du tournoi olympique, c’est l’arrière de Montpellier qui a renversé le scénario du match alors que personne ne l’attendait. A la mi-temps, l’Espagne avait pris de l’avance (12-9) et le rêve tricolore de remporter un deuxième titre olympique s’éloignait. Mais Claude Onesta était prêt à dévoiler son joker. La veille, il avait inclus Accambray dans sa liste de quatorze au détriment de Guillaume Joli. Son intuition s’est avérée juste. Le remplaçant de la première semaine est devenu le héros de la deuxième.

La ligne de stats suffit : sept buts sur neuf en trente minutes, dont le but de la victoire. 22-22. Il reste cinq secondes. La défense espagnole monte sur Karabatic qui prend le tir. Sterbik repousse mais le ballon tombe dans les mains d’Accambray, sur la ligne des 7 mètres, qui la renvoie dans le but espagnol comme par réflexe. Encore un réflexe quand il se replace vite en défense. Il ne réalise pas que le match est fini. Gagné. Jusqu’à ce que ses partenaires ivres de joie le rejoignent au centre du terrain. « Un miracle », sourit-il.

Le match rêvé, absolument parfait. « Le lendemain matin, je me suis fait chambrer pas mal, raconte William Accambray. On m’a touché la tête, frotté les cheveux. Doudou (Karaboué), quand on est entré au village, dans le réfectoire, il m’a regardé, a hoché la tête l’air de dire : ‘’Respect, mec’’. Je me rappelle aussi de Cédric Sorhaindo qui m’a regardé et fait le signe de Zorro avec le Z. Il m’a dit : ‘’Tu vois, tu as bien fait de venir’’. Ce sont des souvenirs qui resteront longtemps dans ma mémoire. »

Après sa mi-temps de folie furieuse contre l’Espagne, le surpuissant arrière s’est encore offert un premier rôle en demi-finale face aux Croates (trois buts). En finale, Onesta a surpris la défense suédoise qui l’attendait de pied ferme mais ne l’a pas beaucoup vu (un but). Reste qu’en trois matches seulement, Accambray a largement mérité sa récompense. « Si je n’avais pas joué du tout, j’aurais eu le sentiment de voler ma médaille, de ne pas la mériter. Elle ne m’aurait pas appartenu. Evidemment, les JO ont été beaucoup  plus forts à partir du moment où je suis entré pour aider l’équipe. »

Le plus beau, c’est que son statut de remplaçant dans la première partie du tournoi ne l’a pas empêché de jouer un rôle essentiel. Après la défaite contre l’Islande (29-30), sa hauteur de vue depuis la tribune l’a aidé à rassurer ses équipiers. « Ça ne sert à rien de hurler, tu peux dire les choses tranquillement. Bertrand Gille a pris l’initiative de réunir les joueurs dans une chambre. Je n’avais pas encore joué une seconde mais j’ai pris la parole :  ’On peut dire ce qu’on veut, je vous le dis avec mon recul, on a dominé l’Islande. Ils galéraient plus que nous pour mettre un but. Il n’a rien manqué pour gagner ce match. Je suis désolé, on n’est pas mauvais.‘’ Dans les journaux du lendemain, j’ai lu que notre jeu n’était pas en place. Je n’étais pas du tout d’accord avec ça. Qu’une personne de l’extérieur leur dise a confirmé leur ressenti. A l’intérieur du groupe, tout le monde savait que le jeu était en place. Au fur et à mesure des matches, on sentait que nos enclenchements étaient bons. Il n’y a jamais eu de panique, à un seul moment, le sentiment que la défaite était possible, le premier quart d’heure contre l’Espagne où l’on a mis un seul but. Mais passer ce cap, dans les têtes, on s’est tous convaincu qu’on irait au bout. »

Accambray a d’autant plus de mérite qu’il aurait pu décrocher lorsque Claude Onesta lui a annoncé son rôle particulier. Mais sa détermination a prouvé qu’il ne sentait pas sacrifié après l’échec de l’Euro en Serbie. Il a choisi de vivre au milieu de ses équipiers, dormant sur un lit dans le couloir entre les deux appartements des handballeurs. « Pour dormir ça allait mais j’étais le dernier couché parce qu’il y avait toujours du passage. Les autres venaient m’embêter exprès à ce moment-là, me secouaient en me demandant si j’étais endormi », raconte-il en riant. Jusqu’à son entrée fracassante, le Cannois avait reçu le soutien discret de son père, Jacques, spécialiste du lancer de marteau qui a participé aux Jeux de Munich (1972). « Il aurait adoré faire un résultat aux JO donc il est très fier de moi, confie William. Mais c’est surtout ma mère, qui n’a pas eu la chance d’y participer, qui n’a cessé de me répéter depuis mon retour de Londres : ‘’Tu ne te rends pas compte ce que c’est d’être champion olympique !’’ Elle est devenue la gardienne de ma médaille d’or. »

résultats

Tour préliminaire : France – Roumanie : 31-21 / Argentine – France : 26-33 France – Australie : 41-11 / Slovaquie – France : 26-35 France – Hongrie : 27-22
Tour principal : France – Suède : 28-21 / Corée-du-Sud – France : 21-30 / France – Croatie : 19-22
Demi-finales : France – Danemark : 27-22 / Croatie – Pologne : 29-23
Places 3 et 4 : Danemark – Pologne : 23-31
Finale : France – Croatie : 24-19